Dialogue économique

Pour le traitement de tous et une négociation tarifaire adaptée

Publié le 30/10/2014
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Plusieurs associations thérapeutiques utilisant de nouveaux antiviraux, en particulier des antipolymérases spécifiques du VHC et/ou des antiprotéases de seconde génération, permettent aujourd’hui d’obtenir une RVS chez des patients jusqu’ici difficiles à traiter pour de multiples raisons (génotype peu sensible, non-éligibilité à l’interféron, comorbidité, complications…). On peut donc à l’avenir envisager la guérison d’une majorité des hépatites C chroniques actives (lire aussi page précédente). Et ceci avec un prix à payer réduit en termes d’effets secondaires, en particulier pour les stratégies sans interféron plus une durée de traitement écourtée (12 ou 24 semaines versus 24 ou 48 semaines).

Cette indéniable avancée pourrait venir singulièrement modifier la prévalence du VHC et des hépatites chroniques C actives en population. Sauf que ces nouvelles molécules sont assorties d’un prix encore non fixé – mais a priori très élevé – qui pose la question des allocations de ressource dans un budget de santé non illimité. En effet, Si l’on se base sur les prix actuels de vente sous ATU, on est autour d’un triplement du prix du traitement par comparaison aux associations antérieures, avec un surcoût de l’ordre de 54 000 euros par patient.

Recommandations restrictives

Dès lors, ne fait-on pas une erreur lors des discussions, en négociant le prix sur la base du nombre de patients à traiter conformément à la restriction d’accès à ces nouveaux traitements, préconisée dans les nouvelles recommandations AFEF (1) ? Pour le Pr Philippe Mathurin (CHU de Lille) c’est une question centrale. «La France est le pays d’Europe où la morbimortalité du VHC est la plus basse : parce que nous avons le plus dépisté et traité (2). Mais l’idée qu’en priorisant le traitement des patients les plus avancés on réduit la mortalité en population générale à court terme est très discutable », considère-t-il. « Écarter les sujets F0-F1 du traitement suppose en effet qu’ils ne vont pas progresser dans les 5 ans (temps des décisions administratives). Or si ce postulat est assez fiable à 1 an, il l’est bien moins à 5 ans. D’autant que le classement en stade de fibrose est imparfait et parmi eux le stade F2 le plus difficile à classer. Par conséquent, un nombre non négligeable de patients classés F2 sont en réalité F3-F4 et se retrouvent en attente. Cela pèsera lourd sur la morbimortalité du VHC en population. Quand, d’un autre côté, une partie des patients F3-F4, en réalité F2, sera traitée avec un impact économique mais pas d’effet délétère sur la morbimortalité ».

« Autre problème, le stade de fibrose est un facteur prédictif de morbimortalité dans l’histoire naturelle de la maladie, en absence de traitement. Mais on a tous fait une confusion. Un facteur prédictif de morbimortalité n’est pas en soi un facteur sur lequel stratifier un traitement. Et les modélisations montrent que, là encore, le pourcentage d’erreur, donc de mauvais classement des patients, est important. Résultat, la seule stratégie coût efficace capable de réduire la mortalité en population générale est très probablement de traiter toutes les hépatites C actives dans une stratégie "test and treat" comme dans le SIDA. Ce qui en corollaire implique de revoir totalement le nombre de sujets à traiter et donc le coût des traitements envisageable dans les négociations en cours avec les laboratoires », conclut-il.

D’après un entretien avec le Pr Philippe Mathurin (CHU de Lille)

(1) Association française pour l’étude du foie. Septembre 2014.

(2) Deuffic Burbun et al. Gastro Enterol 2012

exergue en option:

Un facteur prédictif de morbimortalité n’est pas en soi un facteur sur lequel stratifier un traitement

Pascale Solère

Source : Congrès spécialiste