Compte tenu des problèmes d'accès à la prophylaxie pré-exposition (PrEP) des infections à VIH, la Haute Autorité de santé (HAS) préconise, dans une réponse rapide publiée mercredi 28 avril, l'autorisation de la primoprescription par des médecins de ville. Jusqu'ici, les médecins généralistes n'avaient le droit que de renouveler les prescriptions initiées dans les services hospitaliers. Les médecins de ville ne se sont encore que peu saisis du sujet.
« Si on ne leur laisse pas la possibilité de suivre le traitement depuis le début, il est normal que les médecins ne se sentent pas très concernés », estime le Pr Jean-Michel Molina, infectiologue à l'hôpital Saint-Louis (AP-HP). Ce pionnier de la PrEP « attendait depuis longtemps cette évolution » qui figurait dans les recommandations conjointes de la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF) et la Société française de lutte contre le sida (SFLS).
Plus d'un tiers de baisse des délivrances
La décision de la HAS a été motivée par les récents résultats de l'étude Epi-Phare, qui a révélé une nette diminution des délivrances (-36 %) et des instaurations (-47 %) de PrEP pendant le premier confinement. De plus, d'après Santé publique France, 15 % des usagers de PrEP n'avaient pas repris le traitement après ce confinement.
« Jusqu'en février, le nombre d'initiations de PrEP était en augmentation », précise le Pr Molina. Selon les données d'Epi-Phare, 32 000 personnes âgées de ≥15 ans avaient commencé un traitement par Truvada (ténofovir/emtricitabine) ou un générique au 30 juin 2020, soit une hausse de 57 % par rapport au chiffre atteint fin juin 2019. La dynamique d’augmentation d’utilisation de la PrEP, qui avait été rapportée en 2018-2019 dans le précédent rapport, s’est ainsi poursuivie et intensifiée jusqu’au début de l’année 2020, avec près de 9 000 nouveaux utilisateurs sur la période de début juillet 2019 à fin février 2020. « L'activité de la PrEP a repris mais reste inférieure à ce qu'elle était avant la crise, détaille le Pr Molina. Il y a un rattrapage à faire et on est en dessous du niveau de couverture et de prescription nécessaire. »
Élargir le public
Pour le Pr Molina, au-delà de la crise sanitaire actuelle, il est important d'ouvrir la primoprescription à la médecine de ville. Depuis 2016, les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic (CeGIDD) ont aussi la possibilité de prescrire la PrEP, avec un résultat mitigé en termes de nombre de nouvelles prescriptions. « Les CeGIDD ont d'autres missions, explique le Pr Molina. Et les gens qui les fréquentent y vont de manière très irrégulière et ne vont pas s'y faire suivre. De plus, la PrEP est aujourd'hui principalement prescrite aux hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes. Elle doit être accessible à la médecine de ville pour atteindre les autres publics à risque d'infection. »
Dans sa réponse rapide, la HAS formule plusieurs propositions relatives à l’accompagnement des médecins de ville qui souhaiteraient primo-prescrire la PrEP par ténofovir/emtricitabine. Elle y rappelle que la PrEP doit s'intégrer dans un ensemble de mesures de prévention du risque d'infection au VIH, et que la mise sous PrEP nécessite un engagement du médecin dans le suivi du patient mais aussi l’adhésion continue du patient à la démarche. Elle apporte aussi des lignes directrices pour l’identification et la sélection des patients, ainsi que la manière dont doit se dérouler la discussion. Les médecins sont en outre invités à se former à distance via formaprep ou une formation médicale continue.
Modalités pratiques
Si l’indication de PrEP est posée, celle-ci peut être initiée dès la première consultation en fonction des résultats d’une sérologie VIH récente, d’une estimation du débit de filtration glomérulaire, d’une sérologie VHB et en l’absence de suspicion de primo-infection VIH. Enfin, les consultations de suivi peuvent être réalisées en téléconsultation en accord avec la personne et dans le cadre de la réglementation.
Il existe des contre-indications : les personnes séropositives au VIH ou ne connaissant pas leur statut sérologique, l'insuffisance rénale ou l'hypersensibilité au ténofovir ou à l'emtricitabine. Des bilans sanguins (sérologie VIH, hépatite B, bilan rénal) sont recommandés avant d'initier la PrEP. La première prescription est réalisée pour 1 mois et les renouvellements de l'ordonnance pour 3 mois. La prise peut se faire en schéma continu ou discontinu, selon le profil et les besoins du patient.
Cette prise de position de la HAS ne signifie pas que les médecins généralistes peuvent dès à présent prescrire la PrEP. La balle est désormais dans le camp de l'ANSM qui doit modifier les résumés des caractéristiques du produit (RCP) du Truvada et de ses génériques.
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