Toujours les maladies infectieuses mais pas seulement

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Publié le 11/09/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

Le numéro spécial du « BEH » offre plusieurs photographies sur la nature des problèmes de santé rencontrés dans différentes structures amenées à prendre en charge les migrants les plus précaires : camps de Calais et de Grande-Synthe, centres d'hébergement pour les migrants évacués des campements parisiens, permanences d'accès aux soins de santé (PASS) en milieu hospitalier, centres d'accueil de soins et d'orientation (CASO) de Médecins du Monde (MDM).

Alors que la population est essentiellement jeune et masculine et d'origine sensiblement différente dans ces lieux d'accueil (Corne de l'Afrique et Afghanistan à Calais, Moyen-Orient à Grande-Synthe, Afrique Sub-saharienne dans les PASS et CASO), les pathologies infectieuses, l'insécurité alimentaire et les violences subies (cf. interview) sont des motifs de consultation fréquents et retrouvés de façon constante.

Dans les camps de Calais et Grande-Synthe, les pathologies infectieuses sont très présentes, notamment les infections respiratoires aiguës (IRA), les syndromes grippaux et la gale. Les consultations pour pathologies infectieuses ont représenté plus d'un recours aux soins sur deux dans les dispensaires des ONG (à côté des PASS et SAU). Plusieurs épisodes épidémiques ont été détectés à Calais, ce qui a donné lieu à des campagnes de vaccination pour les limiter (rougeole, varicelle, grippe). En un an (novembre 2015 à octobre 2016), 15 cas de tuberculose ont été signalés à l'ARS, 9 ayant une forme pulmonaire, dont 3 bacillifères. Quant à la gale, l'ectoparasitose était un motif constant et important de demande de soins (13,6 % en moyenne).

A contrario, « alors que les conditions de vie dans les campements pouvaient le laisser craindre, aucun épisode de maladie infectieuse entérique n'est survenu », soulignent les auteurs avec moins de 2 % des recours pour diarrhée. Un bilan positif que les auteurs attribuent « aux efforts importants et constants de MSF et de l'État pour mettre à disposition des accès au réseau d'eau potable (...) avec le concours de nombreuses associations ». À noter que les traumatismes (agressions, agressions sexuelles, accidents) étaient un motif important de consultation, environ 8 % sur les deux centres.

Dans les 30 PASS et les centres d'hébergement franciliens, il ressort que les troubles digestifs sont l'un des motifs les plus fréquents (de 13,2 % dans les PASS à 20,7 % dans les centres) avec les troubles ostéo-articulaires (respectivement 12,0 % et 21,2 %), à quasi égalité avec les maladies infectieuses dans les PASS.

Pathologies liées à une mauvaise nutrition

Outre la surreprésentation des troubles digestifs, une étude comparant des migrants accueillis dans les CASO de MDM et des patients de médecine générale retrouve une plus grande fréquence de symptômes et de plaintes, - la fatigue étant rapportée chez 33 % des migrants dans les centres d'hébergement - mais aussi de problèmes oculaires, cutanés et respiratoires.

Les personnes migrantes rencontrent de grandes difficultés à accéder à une alimentation saine et équilibrée et en quantités suffisantes, conclut une étude dans les CASO de MDM, ce qui les expose « à développer des pathologies liées à une mauvaise nutrition (diabète, obésité, maladies cardio-vasculaires) », est-il souligné. L'étude dans les PASS fait apparaître qu'environ la moitié des migrants arrivés en France depuis moins de 5 ans, se trouvait en insécurité alimentaire.

Une étude plus précise sur la consommation alimentaire des migrants (université Paris13/CREES Sorbonne/Inserm/INRA/CCNAM) met en lumière des spécificités par rapport à la population générale. Si la consommation de fruits et légumes, de produits laitiers est nettement insuffisante avec une consommation quotidienne de boissons sucrées (> 25 % de l'échantillon) et de produits sucrés et gras et salés (près de 50 %), certains comportements sont à valoriser, comme la consommation de produits de la pêche (2 fois/semaine pour les deux tiers de l'échantillon).  

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9600