La dexaméthasone, seul médicament validé

Traitements Covid : une multitude de pistes, peu de résultats

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Publié le 22/12/2020
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La dexaméthasone a fait ses preuves chez les patients les plus sévères et l’hydroxychloroquine s’avère inefficace à tous stades. Et si les essais se sont multipliés en un temps record, de nombreux résultats sont encore attendus.
Une émulation de la recherche pour trouver un traitement efficac

Une émulation de la recherche pour trouver un traitement efficac
Crédit photo : Phanie

L’arrivée du nouveau coronavirus a donné lieu à une émulation de la recherche pour trouver un traitement efficace contre le Covid-19. De nombreux essais cliniques ont été lancés à travers le monde ces derniers mois. Quels sont les traitements validés aujourd’hui et qu’en est-il en pratique ?

Dans ses dernières recommandations, le Haut Conseil de la santé publique (HCSP) préconise « la mise en place d’un traitement de support adapté à l’état du patient dans tous les cas, ce traitement constituant la référence ».

La prise en charge standard

- L'oxygénothérapie fait partie intégrante de la prise en charge des patients souffrant d’une pneumonie Covid. Néanmoins, la prise en charge de ces patients présente des spécificités. En particulier, « la saturation en oxygène est un paramètre important à évaluer, avant même la fréquence respiratoire », souligne le Pr Xavier Lescure, infectiologue clinicien à l’hôpital Bichat (AP-HP).

- Les anticoagulants à visée préventive ont rapidement intégré la prise en charge des patients Covid hospitalisés lors de la première vague, hormis en cas de risque hémorragique. « Le Covid est une maladie thrombo-inflammatoire pour laquelle le bénéfice de l’anticoagulation est cliniquement palpable. Le constat est unanime dans tous les centres, rapporte le Pr Lescure. Les doses sont à adapter au terrain du patient ».

- La dexaméthasone est aujourd’hui le traitement standard des formes sévères oxygénorequérantes. L’intérêt des corticoïdes a été mis en évidence à travers l’essai britannique Recovery – dont les résultats définitifs n’ont pas encore été publiés – et
la méta-analyse de l’Organisation mondiale de la Santé (OMS) qui a montré un bénéfice en termes de mortalité à 28 jours (1). Le HCSP préconise d’appliquer le protocole Recovery, soit 6 mg/jour de dexaméthasone pendant 10 jours. « Les données sont concordantes, mais ne répondent pas encore à toutes les situations en pratique. Il y a encore beaucoup de zones grises, ce qui laisse la place à une grande part d’interprétation », constate le Pr Lescure.

Aucune efficacité démontrée

- Concernant l'hydroxychloroquine, les données scientifiques ont tranché : « les résultats concordent en faveur d’une absence de bénéfice en termes de morbimortalité, quel que soit le stade », indique le Dr Éric d’Ortenzio, médecin épidémiologiste et coordonnateur scientifique de REACTing. Pour la chloroquine et l’hydroxychloroquine seule ou avec l’azithromycine, le HCSP recommande « de ne pas prescrire ce médicament quelle que soit la situation en ambulatoire, en hospitalisation, en prophylaxie pré-exposition, en curatif ou en prophylaxie post-exposition ».

- L'association lopinavir/ritonavir n'a pas démontré son intérêt non plus. En particulier, l'essai Solidarity (2) n’a pas montré de bénéfice en termes de mortalité à 28 jours chez les patients hospitalisés Covid-19.

Des résultats attendus

- S’il a reçu le feu vert de l’Agence européenne du médicament en juin pour les patients oxygénorequérants, le débat autour de l’antiviral remdesivir n’est pas clos. Selon
l'essai ACTT-1 (3), le traitement réduit la durée de rétablissement des patients hospitalisés de 15 à 11 jours en moyenne, mais l’étude Solidarity conclut qu’il ne présente pas de bénéfices en termes de réduction de la mortalité. L’essai Discovery, dont seul le bras remdesivir est encore en cours, devrait statuer. En attendant, le remdesivir ne doit pas être prescrit en dehors des essais cliniques randomisés, considère le HCSP.

- Les anticorps monoclonaux représentent une approche intéressante. « Il s’agit d’une piste plus récente pour laquelle nous n’avons pas encore beaucoup de résultats, note cependant le Dr d’Ortenzio. Ce sont des traitements qui vont plutôt cibler la phase précoce pour éviter l’aggravation, avant hospitalisation ».

Le tocilizumab, par exemple, est un anti-IL-6 utilisé en rhumatologie qui a fait l’objet de plusieurs études. Les résultats sont toutefois contrastés. Le HCSP recommande de ne pas prescrire ce médicament en dehors des essais cliniques et de certaines situations de sauvetage. Autre piste : la voie des anti-C5A.

- La plasmathérapie, qui consiste à transfuser du plasma de patients Covid convalescents, peine à faire ses preuves, après la publication de résultats négatifs à l’étranger. En France, l’essai Coviplasm coordonné par la Pr Karine Lacombe (AP-HP), dont l’objectif est d’éviter les passages en réanimation, n’a toutefois pas encore livré ses résultats. Une petite étude Gustave Roussy/AP-HP suggère par ailleurs un bénéfice chez les patients présentant un déficit immunitaire en lymphocytes B avec un Covid chronicisé (4).

- Alors que la plupart des traitements ont du mal à convaincre, les combinaisons médicamenteuses pourraient apporter de nouveaux résultats. Par exemple, l’équipe du Pr Olivier Hermine de l’AP-HP teste l’association tocilizumab et dexaméthasone versus dexaméthasone seule dans un essai clinique.

- L'essai bordelais COVERAGE vise à évaluer l’intérêt en ville du telmisartan, du favipiravir et de l’imatinib en ambulatoire, en traitement précoce chez des patients à risque.

(1) The WHO Rapid Evidence Appraisal for COVID-19 Therapies (REACT) Working Group. JAMA, 2020, doi:10.1001/jama.2020.17023
(2) WHO Solidarity Trial Consortium, NEJM, 2020, DOI: 10.1056/NEJMoa2023184
(3) J. H. Beigel et al., N Engl J Med, 2020, DOI: 10.1056/NEJMoa2007764
(4) T. Hueso et al., Blood, 2020, https://doi.org/10.1182/blood.2020008423

Charlène Catalifaud

Source : Le Quotidien du médecin