Patients hospitalisés rapatriés de l’étranger

Un dépistage des bactéries multirésistantes

Publié le 27/01/2011
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EN JANVIER 2009, le ministère de la Santé a adressé une saisine au Haut Conseil de la santé publique (HCSP) pour lui demander de réfléchir aux mesures à mettre en œuvre pour éviter la propagation des BMR importées par les patients rapatriés de l’étranger. « En fait les microbiologistes et les infectiologues savent depuis longtemps que circulent dans certaines zones des bactéries plus résistantes aux antibiotiques que dans notre pays », fait remarquer le Pr Andremont. Jusqu’à une période récente, les conséquences de l’importation de ces germes sur la mise en place des thérapeutiques des infections bactériennes étaient relativement modérées. « Il y a quelques années, nous avons pris conscience que les voyageurs pouvaient être de simples porteurs et, en tant que tel, devenir des vecteurs extrêmement efficaces de dissémination de ces BMR sur de longues distances ».

Selon le HCSP, « si la France est aujourd’hui moins touchée que de nombreux autres pays par ces bactéries, des mesures de vigilance très strictes doivent permettre de ne pas diffuser les entérocoques résistant aux glycopeptides (ERG), les entérobactéries productrices de carbapénémases, voire Pseudomonas aeruginosa ou Acinetobacter baumannii multi-résistants ». C’est dans ce contexte que ses recommandations ont été publiées (2). Pour l’heure, ces recommandations concernent uniquement les patients rapatriés ou transférés d’un établissement étranger ou ceux qui ont été pris en charge à l’étranger dans des services de soins hautement spécifiques (transplantation, chirurgie complexe…), et ce « quel que soit le mode d’admission dans l’établissement de santé en France, que ce soit pour un séjour ou des séances répétées (hors consultation) », précisent les experts.

Dès l’admission.

Dès leur admission, ces patients doivent systématiquement bénéficier, d’une part, d’un dépistage par écouvillonnage rectal ou coproculture, prioritairement des entérobactéries productrices de carbapénémases et des ERG et, d’autre part, de la mise en place de mesures de prévention complémentaires « contact » (3). Les experts indiquent également que ces dernières mesures « peuvent être complétées de précautions complémentaires de type « gouttelettes » dès qu’on a connaissance d’une colonisation ou d’une infection respiratoire par une BMR aux antibiotiques », et que « l’équipe opérationnelle d’hygiène doit être informée et intervenir dans tous les cas de patients transférés par rapatriement sanitaire ». Le patient doit, bien entendu, être informé de la situation.

Si le dépistage est positif pour l’une des deux BMR prioritaires, un signalement doit être fait aux autorités sanitaires et aux CCLIN (centres de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales et associées aux soins). Dans ce cas, le groupe de travail recommande « de mettre en œuvre les recommandations développées pour la maîtrise de la diffusion des ERG diffusées par le HCSP en 2010 relatives au maintien des précautions complémentaires contact, de la signalisation, de la sectorisation, du dépistage éventuel des contacts du cas, du suivi du portage... » (voir article page 00).

Ces recommandations vont vraisemblablement évoluer très prochainement. Comme l’explique le Pr Andremont, « une discussion est en cours sur la possibilité de les étendre aux patients qui auraient été hospitalisés à l’étranger un an avant l’hospitalisation en France ». Enfin, les experts ont fait le choix de ne pas donner de listes des pays à risque élevé de résistance bactérienne pour deux raisons. Une telle liste nécessiterait une remise à jour régulière. Or, les données sur les résistances bactériennes aux antibiotiques ne sont actualisées qu’une fois par an. La deuxième raison est le manque d’information en provenance de nombreux pays dont la situation n’est donc pas connue. Faire une liste reviendrait donc à pointer du doigt certains pays, « ce qui serait contre-productif et n’est pas de mise », estime le Pr Andremont.

* D’après un entretien avec le Pr Antoine Andremont, hôpital Bichat-Claude-Bernard, Paris.

(1) Kumarasamy KK et coll. Emergence of a new antibiotic resistance mechanism in India, Pakistan, and the UK: a molecular, biological, and epidemiological study. Lancet Infect Dis 2010 ; 10 : 597-602.

(2) HCSP. Dépistage et maîtrise des BMR importées par des patients en provenance de l’étranger. 18 mai 2010. http://www.hcsp.fr

(3) Société française Haut Conseil de la santé publique d’hygiène hospitalière « Prévention de la transmission croisée : Précautions complémentaires contact », 2009. http://www.sfhh.net

 Dr CATHERINE FABER

Source : Bilan spécialistes