Éjaculation précoce

Un homme sur 4 serait touché, 8 sur cent consultent

Publié le 15/10/2015
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La majorité des hommes considère que la durée normale avant l’éjaculation est de 9 mn en moyenne

La majorité des hommes considère que la durée normale avant l’éjaculation est de 9 mn en moyenne
Crédit photo : PHANIE

L’éjaculation précoce (rapide ou prématurée) toucherait 20-25 % des hommes (seuls environ 8 % des hommes consultent), ce qui en fait le trouble sexuel masculin le plus fréquent devant la dysfonction érectile. Contrairement à celle-ci, l’éjaculation rapide n’est pas liée à d’autres pathologies comme le diabète ou l’hypertension artérielle et n’augmente pas avec l’âge. « Bien souvent, ce trouble est présent chez le sujet jeune et s’il ne se traite pas, il va rester éjaculateur précoce toute sa vie », explique le Pr Pierre Costa (CHRU de Nîmes)

La définition de l’éjaculation prématurée repose sur trois critères essentiels :

le temps trop court : l’éjaculation survient trop vite pour l’homme (la notion de temps est bien sûr, subjective…)

- le manque de contrôle : l’homme ne maîtrise pas suffisamment le moment de son éjaculation qui survient avant qu’il ne le souhaite.

la souffrance vécue : l’éjaculation rapide provoque une détresse personnelle, des problèmes relationnels au sein du couple et fait souffrir les deux partenaires.

Trois hypothèses

Trois hypothèses physiopathologiques ont été émises. Tout d’abord, la théorie biogénique : chaque homme est différent et a une vitesse d’éjaculation qui lui est propre et qui est plus ou moins rapide (quelques secondes) ou lente (supérieure à 40 minutes…). À partir de combien de temps considère-t-on qu’une éjaculation est rapide ? Dans les études, la grande majorité des hommes considèrent que la durée normale avant l’éjaculation est de 7-12 minutes (moyenne 9 mn). Pour ceux qui se considèrent comme éjaculateurs précoces la moyenne est de 3 minutes (médiane ‹ 2 mn) et ceux qui consultent ont généralement une éjaculation avant 2 minutes. Cette différence entre les hommes pourrait s’expliquer par un manque de sérotonine qui a pour effet de retarder l’éjaculation.

La deuxième hypothèse est l’origine psychologique : anxiété, stress, conflits relationnels, tensions au sein du couple, perte de confiance, peur de ne pas être à la hauteur, peuvent entraîner des difficultés à contrôler l’éjaculation. Il s’agit plutôt dans ce cas, d’une éjaculation prématurée secondaire aux circonstances de la vie, aux difficultés du couple ou du travail…

Enfin, l’origine de l’éjaculation prématurée peut être physique ou corporelle : le corps de l’homme est trop crispé, le bassin bloqué et raide. « En consultation, il y a souvent coexistence de ces trois facteurs. Pour traiter le problème, il faut donc prendre en charge les trois composantes et associer le traitement médicamenteux, la psychothérapie/sexologie et les thérapies corporelles comportementales », souligne le Pr Costa.

Difficile à dépister

Le traitement médicamenteux fait appel à un inhibiteur sélectif de la recapture de la sérotonine (ISRS), la dapoxetine (Priligy) : la prise se fait à la demande (un comprimé une à trois heures avant le rapport sexuel). Les études ont montré qu’il multipliait de 2 à 4, le temps précédent de la durée du rapport avant l’éjaculation. Il n’a pas les effets secondaires d’autres médicaments de cette classe d’antidépresseurs et est généralement bien supporté (contre-indication en cas d’hypotension orthostatique). La prise en charge psychologique/sexologique est essentielle car la très grande souffrance du couple est souvent à l’origine de séparation. Et « contrairement à la dysfonction érectile que le médecin généraliste peut aborder par le biais des comorbidités, l’éjaculation prématurée n’est pas facile à dépister, conclut le Pr Costa. On peut y penser lorsque l’on voit un patient stressé, fatigué, au bord du burn-out, avec des problèmes dans son couple. »

Christine Fallet

Source : Le Quotidien du Médecin: 9441