Les chercheurs du groupe international Beehive viennent de publier dans la revue « Science » la description d'un variant hautement virulent de VIH, détecté chez 109 patients aux Pays-Bas.
Chez les malades nouvellement diagnostiqués, la charge virale était multipliée par 3,5 à 5,5, par rapport à 6 604 patients infectés par un autre sous-type de VIH. La cinétique du déclin des CD4 + était, quant à elle, deux fois plus rapide chez les patients infectés par ce nouveau variant baptisé VB (V pour virulent et B pour sous-type B). Selon les auteurs, sans traitement adéquat, le seuil inférieur à 350 CD4 par mm3 et les conséquences cliniques associées seraient atteints en moyenne 9 mois après le diagnostic chez des malades trentenaires infectés par ce variant.
Maintenir la pression
Un des scénarios possibles à l'origine d'un nouveau variant est la fusion entre deux variants ayant co-infecté un même individu. Ce n'est vraisemblablement pas ce qui est arrivé avec le variant VB. Une autre possibilité, plus plausible, est l'accumulation de mutations au fil d'une chaîne de transmission. « Il semble que les mutations soient apparues une par une au fil du temps », explique au « Quotidien » le premier auteur Chris Wymant, de l'institut des Big Data de l'université d'Oxford.
Le troisième scénario possible : une évolution survenue progressivement chez un individu infecté et non traité pendant une longue période. « Nous ne disposons pas de données pour trancher entre ces deux derniers scénarios, car son évolution date d'avant 1992, une époque où il n'y avait pas de surveillance génétique de l'épidémie », explique Chris Wymant.
Quelle que soit la genèse du variant VB, sa trajectoire confirme que des variants dangereux du VIH apparaissent si la transmission du virus n'est pas empêchée, ou si les malades ne sont pas diagnostiqués et mis sous traitement rapidement. En effet, l'âge, le mode de transmission et les lieux de naissance des 109 patients indiquent que ce variant est né aux Pays-Bas.
« Les différents variants du VIH sont regroupés en sous-types, A, C et D en Afrique, B en Europe et aux États-Unis, rappelle Chris Wymant. Ces différences interrégionales sont apparues lorsque le VIH s'est répandu dans le monde au XXe siècle et ont très peu évolué depuis. »
D'autre part, l'analyse de la dérive génétique plaide en faveur d'une apparition dans les années 1980-1990. Il s'est rapidement propagé jusque dans les années 2000 avant de décliner à partir du début des années 2010 et la mise en place d'une politique volontaire de lutte contre l'épidémie.
Plus transmissible
Selon l'arbre phylogénétique établi par les chercheurs, le virus a peu évolué entre deux hôtes successifs. Cela serait la preuve que le variant a rapidement circulé d'un patient à l'autre, et qu'il est donc plus transmissible que les autres variants. « Le pire des scénarios serait l'apparition d'un variant qui serait à la fois plus virulent, très transmissible et résistant aux traitements », ajoute Chris Wymant. Le variant découvert dans le cadre de l'étude Beehive « ne rassemble que deux de ces trois caractéristiques », rassure-t-il.
Chris Wymant tire également de ce travail des enseignements pour l'épidémie de Covid-19. « Des gens voient comme une évidence que le Sars-CoV-2 va évoluer pour devenir moins virulent, mais cela n'a pourtant rien d'évident, prévient-il. Il existe de nombreux travaux théoriques sur la manière dont évolue la virulence de souches virales, mais nous disposons de très peu d'exemples dans la vie réelle pour tirer de telles conclusions. »
Probablement présent dans d'autres pays
Lancé en 2014, le projet Beehive rassemble les données génétiques et cliniques sur les variants du VIH issus de sept cohortes européennes et une ougandaise. Ses investigateurs ont, à ce jour, identifié plusieurs mutations associées à une charge virale plus importante. Ils ont également constaté qu'elles sont corrélées entre elles : soit un patient les a toutes, soit il n'en a aucune. Cet ensemble de mutations a fini par définir le nouveau variant VB. D'après les données rassemblées par Beehive, le variant a été retrouvé chez un patient suisse et un patient belge. « Il est probable qu'il soit présent dans d'autres pays », suppose Chris Wymant.
Par la suite, les chercheurs espèrent mieux comprendre les mécanismes expliquant la plus grande virulence du variant VB, et notamment son interaction avec les CD4 afin d'adapter au mieux les traitements.
C.Wymant et al. Science, février 2022. DOI: 10.1126/science.abk1688
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