ON DÉNOMBRE treize sérogroupes de Neisseria meningitis, mais cinq d’entre eux, A, B, C, W135 et Y, sont responsables de 99 % des pathologies invasives. « La caractérisation des méningocoques est essentielle pour déterminer le clone ou le complexe clonal responsable d’une épidémie ou d’une vague hyperendémique. Elle est aussi essentielle pour suivre les méningocoques dans le monde entier et essayer de prévoir ce qui pourrait se passer », explique le Dr Burtscher. Les méningocoques sont caractérisés par deux techniques de biologie moléculaire : les séquences de loci multiples qui définissent la séquence type (ST) de chaque souche, et l’électrophorèse en champ pulsé (MLST) qui définit des sous clones. La dénomination recommandée par l’European Meningococcal Disease Society comporte donc le sérogroupe, par exemple B, suivi du séro-sous-type, par exemple P1.19,15, puis du complexe clonal par exemple ST-33.
Du portage à l’infection invasive
L’homme est le seul hôte naturel connu pour cette bactérie, précise le Dr Burtscher. Le portage est asymptomatique et touche 10 % de la population, 2 % avant 5 ans et 25 % entre 20 et 24 ans. Le passage à l’infection invasive, sporadique en Europe et en Amérique du Nord, épidémique en Afrique et en Asie, dépend de l’interaction bactérie-hôte. Plusieurs hypothèses sont évoquées pour expliquer cet « accident » que constitue l’infection méningococcique. L’environnement, en particulier une infection virale récente, peut favoriser la survenue de l’infection. En témoigne la succession du pic d’infections grippales et du pic d’infections méningococciques. Côté hôte, certains sujets sont prédisposés génétiquement, notamment les porteurs d’un déficit en fraction terminale du complément. Quant à la souche, les données épidémiologiques obtenues grâce au MLST ont très clairement démontré que les souches invasives appartiennent à un très petit nombre de complexes clonaux, ce qui suggère que ces souches ont des facteurs de virulence qui leur sont très spécifiques. Mais la maladie reste une conséquence rare de la colonisation, même pour une souche invasive, insiste le Dr Burtscher. Rare certes, mais très grave, puisque les méningococcémies peuvent se compliquer de purpura et de choc septique mortel. La mortalité globale est de 11 %, de 23 % en présence d’un purpura fulminans.
Un sérogroupe C très virulent
Les IIM C sont plus sévères que les celles dues au méningocoque B : la mortalité atteint 19 % pour les premières contre 9 % pour les secondes. Selon le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 8 décembre 2009, en 2008, la mortalité en cas de purpura fulminans a atteint 26 % pour les IIM B et 39 % pour les IIM C. Les séquelles liées au méningocoque C sont aussi plus fréquentes et plus graves, ajoute le Dr Burtscher. En cause, le très virulent complexe clonal ST-11, qui représentait, en 2008, 77 % des souches C. Son développement est l’une des raisons ayant motivé la décision du Comité technique des vaccinations (CTV) de recommander la vaccination généralisée de tous les enfants de 1 à 24 ans.
Il faut dire que, nos voisins ayant adopté depuis plusieurs années cette vaccination, la France a désormais l’un des taux d’incidence d’IIM C les plus élevés d’Europe et que plusieurs alertes ont été enregistrées dans différents départements depuis 2000. Ces alertes ont imposé la mise en œuvre d’une vaccination localisée, à Clermont-Ferrand et dans trois départements du Sud-Ouest en 2002, à Migennes dans l’Yonne en 2006, dans la Haute-Vienne et à Barcelonnette en 2007, dans une commune du Doubs en 2008. Au total, ces différentes campagnes ont conduit à vacciner plus de 500 000 sujets, pour un coût logistique évalué à 900 000 euros et un coût de vaccins de 5,2 millions d’euros, précise le Dr Burtscher.
La généralisation de la vaccination
Autre raison pour inscrire la vaccination antiméningococcique C au calendrier 2010 : l’expérience des autres pays européens qui a montré, d’une part, l’efficacité de la vaccination et son impact pour la protection des sujets non vaccinés et, d’autre part, l’absence de switch capsulaire, c’est-à-dire l’absence de passage de sérogroupe capsulaire C vers le sérogroupe B par commutation de la capsule.
Les données du Royaume-Uni sont particulièrement parlantes, puisque l’on a observé une baisse de plus de 90 % des IIM C dans la population générale grâce à l’obtention d’une couverture vaccinale de plus de 90 % des nourrissons et de 85 % pour le rattrapage (jusqu’à 18 ans, puis de 19 à 25 ans). La vaccination, à condition qu’une large couverture vaccinale soit rapidement atteinte, diminue le portage et donc la transmission assurant la protection des sujets non vaccinés, par l’acquisition d’une immunité collective, explique le Dr Burtscher.
Si certains pays ont opté pour la vaccination dès l’âge de 2 mois par un schéma comportant trois doses avec un rattrapage pour les adolescents et jeunes adultes avec une seule dose, les Pays-Bas ont fait le choix de vacciner les nourrissons entre un et deux ans, qui eux sont aussi bien protégés par une seule injection vaccinale. Avec toujours le rattrapage des enfants, adolescents et jeunes adultes. Ils ont obtenu une efficacité comparable avec un même impact direct et indirect que dans les pays ayant vacciné dès l’âge de 2 mois. C’est ce protocole qui a été préconisé par le CTV et donc recommandé par le Haut Conseil de santé publique (HCSP). Il s’agit donc de vacciner systématiquement les nourrissons âgés de 12 à 24 mois avec une seule dose de vaccin méningococcique C conjugué.
Par ailleurs, durant la période initiale de mise en place de cette stratégie et en attendant son impact optimal par la création d’une immunité de groupe, le HCSP recommande l’extension dans les cinq années à venir de cette vaccination systématique jusqu’à l’âge de 24 ans révolus selon le même schéma vaccinal à une dose. Cette stratégie et la nécessité éventuelle d’un rappel à l’adolescence seront réévaluées en fonction des données de surveillance en France et dans les autres pays ayant introduit cette vaccination. Enfin, le HCSP insiste sur la nécessité d’obtenir une couverture vaccinale élevée rapidement afin d’obtenir une immunité collective et de protéger les enfants de moins de 1 an qui sont particulièrement vulnérables.
(1) Pédiatre, Munster.
(2) Réunion organisée à Strasbourg avec le soutien institutionnel des laboratoires Pfizer.
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