Vitiligo

Une prise en charge adaptée à chaque patient

Publié le 07/03/2016
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La mannequin Winnie Herzog sublime son vitiligo

La mannequin Winnie Herzog sublime son vitiligo
Crédit photo : AFP

La maladie touche 0,5 à 2 % de la population. Elle est multifactorielle. 20 % des patients ont un antécédent familial au 1er degré ; une quinzaine de gènes ont été identifiés. Les facteurs susceptibles de déclencher la maladie ou une poussée sont le stress, les microtraumatismes (phénomène de Kœbner) voire le microbiome comme le suggère un article récent (1). Pour le Pr Ezzedine, « l’association fréquente à d’autres maladies auto-immunes, notamment les thyroïdites, impose de surveiller la thyroïde au moins 1 fois tous les 3 ans : 25 % des patients atteints de vitiligo font une thyroïdite auto-immune dans leur vie ! ».

Respecter le choix du patient

La limitation des frottements est systématiquement conseillée. La prise en charge dépend ensuite de l’étendue et du siège des lésions mais aussi de la façon dont la maladie est vécue.

Certains patients assument leur vitiligo, voire le subliment comme le mannequin Winnie Harlow, égérie de Desigual. Le Pr Ezzedine indique que « si le patient décide de ne rien faire, il est important de respecter ce choix ».

Ailleurs, l’impact psychologique peut être majeur. « Le vitiligo peut provoquer une dépression, voire un suicide, notamment chez l’adolescent. Soyons attentifs aux failles narcissiques, écoutons la souffrance, la peur qu’une poussée dépigmente complètement, proposons quelque chose au patient », recommande le Pr Ezzedine.

Le maquillage peut être une solution. S’il est contraignant, peu satisfaisant, un traitement peut être proposé.

Le traitement du vitiligo peu étendu fait appel aux dermocorticoïdes, aux immunomodulateurs -préférables aux corticoïdes sur le visage - et à la photothérapie. Quel que soit le traitement, la repigmentation ne peut survenir que si l’on se réexpose à la lumière.

En phase très inflammatoire de dépigmentation et en cas d’atteinte très étendue, il faut traiter rapidement pour stopper la poussée et prévenir la dépigmentation. Les corticoïdes en week-end thérapie pendant 3 mois à petites doses (cortancyl 2,5 mg/j chez l’enfant ; 4 à 10 mg/j chez l’adulte) peuvent suffire. Sinon, le traitement sera prolongé de 3 mois.

Certains dermatologues craignent un risque accru de cancer et hésitent à traiter par photothérapie. « Or le vitiligo est une auto-immunité dirigée contre le mélanocyte : la plupart des études montrent un risque de mélanome réduit de 4 en cas de vitiligo, souligne le Pr Ezzedine. Par ailleurs la fréquence de certains variants du gène de la tyrosinase impliqués dans le mélanome est moindre chez le patient atteint de vitiligo et, à l’inverse, des variants de ce même gène prédisposant au vitiligo protègent du mélanome. Quant au risque d’autres cancers cutanés, il ne semble pas différent de celui de la population générale ».

Si les mains sont très difficiles à repigmenter, le vitiligo du visage répond bien à la photothérapie (lampes, laser excimer). « Ce traitement long et contraignant (60 séances l’hiver) assure dans 60 % des cas une repigmentation persistante à 1 an. En cas d’échec, un traitement d’entretien sera associé : une application de tacrolimus (0,1 % pommade) 2 fois par semaine sur les zones repigmentées limite à 10 % le taux de dépigmentation l’année suivante (2). En été il faut photoprotéger l’ensemble du corps (et pas seulement le vitiligo) et recommander une exposition solaire en dehors des heures les plus chaudes, en commençant par 5 minutes et en augmentant d’une minute tous les 2 à 3 jours, sans dépasser 20 à 30 minutes d’exposition selon le phototype », indique le Pr Ezzedine

En cas de vitiligo très étendu (plus de 50 % de la surface corporelle atteinte), une dépigmentation peut être proposée. Le résultat esthétique est plus rapide, mais oblige à une photoprotection totale, la moindre photo-exposition repigmentant les zones traitées.

Les pistes pour l’avenir

« La compréhension des mécanismes de la maladie progresse. La voie de l’interféron gamma est clairement identifiée dans le vitiligo avec de possibles futurs traitements inhibant la voie JAK/STAT. Des molécules sont en cours d’exploration préclinique (analogues de l’alpha-MSH, anti-JAK …) », précise le Pr Ezzedine.

D’après un entretien avec le Pr Khaled Ezzedine, hôpital Henri Mondor, Créteil

(1) Cavalli G et al. Proc Natl Acad Sci 2016 ;113(5):1363-8

(2)Cavalié M et al. J Invest Dermatol 2015;135(4):970-4

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste