Virus Zika

Une prise en charge qui évolue

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Publié le 02/06/2016
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Crédit photo : PHANIE

« L'infection à virus Zika expose les femmes enceintes à deux risques graves : de malformation fœtale, qu'on estime autour de 1 %, et de développer un syndrome de Gillain-Barré, dont l’incidence est d'environ 1 %, rappelle le Pr Cyril Huissoud (CHU Lyon). Soit au total un risque de complications sévères de l'ordre de 2 % ».

Recommandations OMS

Ces derniers mois, plusieurs travaux sont venus étayer la tératogénicité cérébrale du virus Zika. C'est pourquoi l'OMS a durci son propos. Depuis le mois de mars, elle recommande aux femmes enceintes d'éviter les zones d'endémie. Elle précise en outre qu’au cas où le partenaire sexuel réside ou voyage dans ces zones, les rapports protégés ou l’abstinence s’impose durant la grossesse. En effet, six cas de transmission sexuelle ont été formellement documentés aux États-Unis.

En France, le HCSP a réactualisé en janvier ses recommandations émises dès le mois de juillet (1).

« Résultat, aujourd'hui, en consultation en métropole, on recommande aux femmes enceintes de reporter leur voyage en les informant des risques cérébraux pour le fœtus. Si elles persistent, nous prescrivons une protection antivectorielle – insecticides, répulsifs – et nous soulignons la nécessité de consulter rapidement en cas de signes cliniques évocateurs », résume le Pr Huissoud.

Diagnostic

« L'infection à Zika est peu bruyante, puisque quatre cinquièmes des cas sont asymptomatiques. Le diagnostic précoce est réalisable au maximum dans les 10 jours après le contact, par recherche du virus par PCR sur sang ou urine. Mais il faut ensuite attendre 30-40 jours avant la conversion sérologique. Entre-temps le contact éventuel n'est donc pas explorable », souligne le Pr Huissoud.

En métropole, toutes les PCR et sérologies sont réalisées par le Centre National de Référence des Arboviroses à Marseille. « Chez les femmes de retour de zone d'endémie, en pratique, même si elle n'est pas systématique, une sérologie peut être utile. Sa négativité allégera le suivi échographique », explique le Pr Huissoud.
Le diagnostic de transmission maternofœtale, après confirmation d'une infection maternelle (PCR/virémie, sérologie) est posé par la mise en évidence de l'agent infectieux dans le liquide amniotique. « Mais sa pratique sera réalisée au cas par cas dans un centre de diagnostic prénatal », précise-t-il.

Sévérité des atteintes

« La sévérité de l'atteinte doit être évaluée durant la grossesse par échographie, voire par IRM et parfois sur des critères biologiques du sang fœtal », explique le Pr Huissoud. Globalement, la présence d'une microcéphalie inférieure à -3 DS est de mauvais pronostic.

Le retentissement fœtal est habituellement plus sévère en début de grossesse, au premier trimestre. Le retentissement cérébral lors d’une infection virale tardive, au troisième trimestre, est mal connu.

« Le premier trimestre de grossesse est le plus critique. D'après les travaux du Dr Simon Cauchemez (Institut Pasteur, Paris) publiés dans le Lancet (2), les modélisations suggèrent que l'infection à Zika multiplie d'un facteur 50 le risque de microcéphalie fœtale lors du premier trimestre de grossesse. Au total le risque est autour de 1 % durant ce premier trimestre d'après les données de Polynésie française », résume-t-il.

Mais les microcéphalies pourraient ne constituer que la partie émergée de l'iceberg... En Polynésie, des troubles du tronc cérébral associés à des dysphagies majeures ont été observés.

À Rio, une étude de suivi prospectif de mères infectées a mis en évidence des décès intra-utérins, des retards de croissance, des calcifications du SNC et des oligo-amnios (3).

(1) Avis relatif à la prise en charge médicale des personnes atteintes par le virus Zika. HCSP Janvier 2016

(2) S Cauchemez et al. Association between Zika virus and microcephaly in French Polynesia, 2013-15 : a retrospective study. Lancet 2016

(3) P Brasil et al. Zika virus infection in pregnant women in Rio de Janeiro-Preliminary report. NEJM 2016

Pascale Solère

Source : Bilan Spécialiste