Vaccination et SEP : la Cour de justice européenne appelée à se prononcer sur la détermination d'un lien sans preuve scientifique

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Publié le 07/03/2017
HEP B

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Crédit photo : PHANIE

D'ici quelques mois, la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) devrait se prononcer sur l'affaire C-621/15. Derrière ce sigle se cache une épineuse question : « Est-il possible de considérer qu'une maladie (sclérose en plaque) est la conséquence d'un vaccin (hépatite B) sur la seule base de présomptions graves, précises et concordantes, alors que la recherche médicale n'établit pas de lien entre ce vaccin et cette maladie ? »

Pour l'avocat général Michel Bobek, la réponse est « oui ». Dans les conclusions qu'il a présentées ce mardi matin devant la 2e chambre de la CJUE, il a estimé en effet que « même si la recherche médicale n'établit pas de lien entre la vaccination et la survenance d'une maladie, il est possible de prouver le défaut du vaccin et l'existence d'un lien de causalité entre le vaccin est la maladie ».

La CJUE a été saisie par la Cour de cassation française, suite à une affaire opposant un patient atteint de sclérose en plaque et sa famille au laboratoire Sanofi Pasteur. Le plaignant s'était vu administrer, entre la fin de l'année 1998 et le milieu de l'année 1999 un vaccin contre l'hépatite B produit par Sanofi Pasteur. Atteint d'une sclérose en plaque depuis 2000, il décède en 2011.

La Cour de cassation avait relevé qu'il n'existe pas de consensus scientifique en faveur de l'existence d'un lien de causalité entre la vaccination contre l'hépatite B et la survenance de la sclérose en plaque. Néanmoins, compte tenu de l'excellent état de santé antérieur du patient et de l'absence d'antécédents familiaux et du lien temporel entre la vaccination et l'apparition de la maladie, il existerait des présomptions graves, précises et concordantes permettant de conclure au défaut du vaccin. La CJUE donne raison à la cour de cassation sur cette question.

Pas de grand changement en France

Pour Me Gisèle Mor, qui avait défendu les parties civiles dans une affaire similaire, si la CJUE suit la proposition de l'avocat général, cela ne changera pas la manière dont les affaires seront jugées en France. « La question est mal posée, s'emporte-t-elle. Le problème, c'est que l'on a beaucoup de difficultés à définir le défaut du produit et la modalité de la preuve qui repose sur le demandeur. »

« En 2008, la cour de cassation française avait déjà affirmé que la preuve pouvait être apportée par présomption, mais ces dernières sont laissées à l'appréciation des juges du fond », ceux de la cour d'appel. Le rôle de la Cour de cassation n'est pas d'examiner des éléments de fond, mais de vérifier que la solution rendue par les juges du fond est conforme au droit.

« Dans ce type d'affaire, c'est la cour d'appel de Paris qui a toujours le dernier mot, et elle a établi une jurisprudence selon laquelle une absence de pathologie avant un traitement et des éléments chronologiques ne suffisent pas à établir une relation de causalité, poursuit Me Mor. À partir de là, la situation est définitivement verrouillée. J'avais posé une question préjudicielle sur la définition de ce que l'on doit considérer comme un défaut du produit. À partir du moment où on aura une définition claire, la causalité viendra tout naturellement. »

S'il est adopté par le CJUE, le nouvel arrêt « n'apportera rien, il permettra juste aux juges de prendre en compte les données de la science même si elle est imparfaite », estime Me Mor. La proposition de l'avocat général pose en effet 4 conditions, dont l'une impose de ne pas empêcher les juridictions nationales de « prendre dûment en considération toute recherche médicale pertinente ».


Source : lequotidiendumedecin.fr