Variole du singe : lancement d'une cohorte internationale pour évaluer le técovirimat

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Publié le 25/05/2022
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Crédit photo : Phanie

L'Agence nationale de recherches sur le sida et les hépatites virales-Maladies infectieuses émergentes (ANRS-MIE) a tenu, ce mercredi 25 mai, sa première réunion pour identifier les priorités, les chercheurs et les sujets sur lesquels des projets de recherche doivent être rapidement lancés sur la variole du singe (Monkeypox), dont le nombre de nouveaux cas continue d'augmenter en Europe et aux États-Unis*.

La première décision de l'agence a été l'établissement d'une cohorte de patients visant à évaluer l'effet de l'antiviral técovirimat, en coopération avec l'université d'Oxford et l'institut Pasteur de Bangui (capitale de la République centrafricaine). Le Pr Yazdan Yazdanpanah, directeur de l'ANRS-MIE, donne quelques détails au « Quotidien ». « Il y a déjà eu, dans le passé, des épidémies de variole du singe en Afrique et même un épisode aux États-Unis en 2003, explique-t-il. Aussi, contrairement au Covid-19, nous ne partons pas de rien ! Nous avons déjà un vaccin vivant atténué et un traitement potentiel. »

Avant que l'on ne détecte tous ces nouveaux cas, des études étaient en cours en République démocratique du Congo, de même qu'une étude menée par l'institut Pasteur de Bangui, déjà en coopération avec Oxford. « C'est ce protocole de recherche qui devient, aussi, un protocole européen », indique le Pr Yazdanpanah. Cette initiative sera appuyée par le réseau de cliniciens mis en place dans le cadre de EU-Response à la suite de l'épidémie de Covid-19.

Une première étude dans le « Lancet Infectious Diseases »

Une première petite étude sur l'efficacité du técovirimat a été publiée ce 24 mai dans le « Lancet Infectious Diseases ». L'analyse porte sur sept patients pris en charge au Royaume-Uni entre 2018 et 2021. Quatre d'entre eux étaient des cas importés, et les trois autres sont les premiers cas de transmission de la variole du singe observés hors Afrique : une infection nosocomiale et deux au sein d'une même famille. Tous les patients décrits ont été pris en charge à l'hôpital et ont connu une forme modérée de la maladie. Aucun n'a souffert des comorbidités connues de la variole du singe, telles qu'une pneumonie ou un sepsis. L'un d'entre eux a toutefois rechuté six semaines après la sortie de l'hôpital, et il a été nécessaire de drainer un abcès chez un autre patient au niveau de la cheville.

Parmi les patients inclus, trois patients ont été traités par brincidofovir (200 mg, une fois par semaine) et un seul patient a reçu du técovirimat (200 mg deux fois par jour pendant deux semaines), tous dans les sept jours qui ont suivi l'apparition des symptômes. Les symptômes du patient traité par técovirimat ont été plus courts que ceux observés chez tous les autres : seulement six jours de symptômes et dix jours d'hospitalisation.

La petite taille de l'étude ne permet cependant pas de conclure définitivement quant à l'efficacité du técovirimat, d'où la nécessité de réaliser davantage de travaux. Les chercheurs questionnent notamment l'intérêt d'introduire le técovirimat plus tôt dans l'histoire de la maladie, avant l'apparition des symptômes par exemple.

Une maladie méconnue en Europe

De nombreuses questions restent à poser concernant notamment le mode de transmission de cet orthopoxvirus. Selon India Leclercq, spécialiste des poxvirus et membre de la cellule d'intervention biologique d'urgence de l'institut Pasteur interrogée par nos confrères de France Culture, « cette maladie est assez méconnue en Europe, et il est possible qu'elle soit passée sous les radars pendant un certain temps, car elle peut être confondue avec la varicelle ou la syphilis », estime-t-elle. Il y a une semaine, les chercheurs de l'institut national de la santé portugais ont publié la première analyse génomique de la souche circulant en Europe.

« Ce virus se transmet difficilement, poursuit India Leclerc. Il s'agit d'une souche moins létale que celle qui circule en Afrique centrale : son taux de létalité est de l'ordre de 1 à 2 %, avec un nombre de cas graves relativement peu important. La période d'incubation semble plutôt longue, de 15 à 20 jours, mais le virus ne semble contagieux que lorsque les symptômes se déclarent, ce qui nous laisse le temps de réagir et de mettre les gens en quarantaine. »

Un autre sujet de recherche identifié par l'ANRS-MIE est celui du risque de la stigmatisation. « La maladie touche principalement des hommes ayant des relations sexuelles avec d'autres hommes, souligne le Pr Yazdanpanah. Il faut trouver des moyens de communiquer sans que cela devienne un motif de discrimination. »

* Selon l'ECDC, 67 cas sont confirmés dans l'Union européenne et 42 cas suspects sont en cours d'investigation à la date du 23 mai. Au Royaume-Uni, on dénombre 70 cas, toujours à la date du 23 mai. À la date du 18 mai, un cas a été confirmé aux États-Unis selon les CDC, et deux au Canada. À titre indicatif, cela représente davantage de nouvelles contaminations en une semaine hors Afrique que ce qui a été observé jusqu'alors depuis 1970 et la découverte du premier cas.


Source : lequotidiendumedecin.fr