Rémunérer la prévention et le dépistage ?

La CNAM innove, les médecins perplexes

Publié le 07/12/2009
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Crédit photo : S Toubon

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Crédit photo : S Toubon

LA PROMOTION et la diffusion des actions de prévention et de dépistage, priorité affichée par la CNAM (« le Quotidien » du 4 décembre), doit-elle s’accompagner d’une rémunération spécifique des médecins traitants ?

Cette idée revient sur le tapis conventionnel. Lors de la dernière négociation, le sujet a été abordé. Par divers biais. Plusieurs leaders syndicaux ont affirmé que la direction de la CNAM n’excluait pas de rémunérer, par des forfaits ou consultations dédiées, certaines actions de prévention et/ou de dépistage. Aucun chiffre n’a été mis sur la table.

Plusieurs pistes seraient envisagées. La caisse aurait évoqué la possibilité de valoriser une consultation complète de prévention et de conseil permettant d’améliorer le dépistage du cancer du col de l’utérus (autorisant la cotation associée C+frottis). Autre idée : rémunérer des consultations de prévention primaire et/ou de dépistage du risque cardiovasculaire. S’agissant du programme d’accompagnement des patients diabétiques (Sophia, qui bénéficie aujourd’hui à 50 358 personnes), les médecins traitants pourraient être davantage associés au titre de la prévention des complications et de la coordination dans le cadre de la généralisation envisagée de ce service. Enfin, le volet « prévention et dépistage » des fameux CAPI - contrat d’amélioration des pratiques individuelles - pourrait être repris dans le cadre conventionnel, et étendu à d’autres spécialités cliniques, procurant une rémunération dédiée en lien avec le respect des objectifs (dépistage du cancer du sein, vaccination antigrippe...).

Des consultations à 50 euros ?

« Les choses bougent, veut croire le Dr Roger Rua,secrétaire général du SML. On change progressivement de paradigme en glissant du curatif vers davantage de préventif ». Avec des moyens à la clé ?Selon lui, il existe quelques « pistes sérieuses ». En 2008, le SML avait suggéré une mesure emblématique sous la forme de consultations lourdes à forte valeur ajoutée, standardisées, évaluables, rémunérées 50 euros, suivies le cas échéant d’examens biologiques ou d’un bilan lipidique. « Ces consultations longues pourraient être réalisée à 35, 40 et 45 ans dans la tranche d’âge la moins bien suivie », précise le Dr Rua. L’idée étant des actes médicaux plus rares, mais correctement honorés permettant aux cliniciens de se concentrer sur leur « cœur de métier ». Une telle valorisation de l’acte permettrait, selon le SML, d’avoir une approche clinique approfondie, de faire de la pédagogie sur la prescription, de la prévention, du conseil, de limiter les hospitalisations au profit du maintien à domicile et d’organiser la coordination des soins.

A MG-France, le Dr Vincent Rébeillé-Borgella, vice-président, perçoit dans le discours de la CNAM « la volonté de moderniser son rôle d’assureur en investissant dans certains domaines de prévention ». « Mais attention, modère-t-il, on est au stade des idées générales ». Pour le syndicat de généralistes, plutôt qu’une approche thématique ou organique de la prévention (forfaits ciblés), il faut valoriser fortement le rôle pivot du médecin traitant en généralisant au suivi de tous les patients le forfait (réservé aux ALD). « Un forfait global médecin traitant permettrait d’assurer la prévention, l’administratif, la synthèse... », plaide le Dr Rébeillé.

Le Dr Michel Combier, président de l’UNOF – généralistes de la CSMF – doute des intentions de la caisse d’investir massivement sur la prévention. « C’est le flou total, j’ai l’impression qu’on nous endort ». Pourtant, l’UNOF ne serait pas hostile au versement de forfaits ad hoc pour rémunérer le suivi de certains indicateurs de prévention « intelligents ». « On peut aussi envisager des consultations lourdes de prévention à certains âges de la vie : le risque cardiovasculaire après 50 ans, le premier bilan cholestérol, des actes de synthèse à codifier, une consultation longue de dépistage du cancer du col », énumère le Dr Combier. Mais pas question que des oboles « prévention » remplacent la revalorisation de l’acte de base.

Bricolage et paperasse .

Le Dr Jean-Paul Hamon reste sceptique sur la stratégie de la CNAM. Payer la prévention ? « Avec Frédéric van Roekeghem [directeur de l’assurance-maladie, NDLR] , c’est toujours sibyllin. On brasse du vent pour quelques miettes ». « Pour nous, ajoute-t-il, la seule mesure qui aurait du sens serait la généralisation du forfait médecin traitant permettant de payer une secrétaire et une infirmière. Ce qui permettrait de soulager le médecin des tâches administratives… et de faire de la vraie prévention ! Le reste, c’est du bricolage. Et je crains que de pseudo-consultations lourdes, ce soit surtout une lourde… paperasse ».

La CNAM fera-t-elle des propositions sonnantes et trébuchantes pour investir sur la prévention et rémunérer autrement les praticiens ? Avec le dispositif du médecin traitant et le suivi informatisé de l’activité individuelle des prescripteurs, elle dispose de leviers pour agir en ce sens. En a-t-elle les moyens financiers ?

 CYRILLE DUPUIS

Source : lequotidiendumedecin.fr