Comment voient-ils le médecin du travail aujourd’hui ?

Publié le 08/11/2010
Article réservé aux abonnés
1289308591200074_IMG_47522_HR.jpg

1289308591200074_IMG_47522_HR.jpg
Crédit photo : DR

1289308589200073_IMG_47521_HR.jpg

1289308589200073_IMG_47521_HR.jpg
Crédit photo : DR

1289308592200075_IMG_47523_HR.jpg

1289308592200075_IMG_47523_HR.jpg
Crédit photo : DR

Jérôme Migirditchian, inspecteur du travail (METZ) : un expert pour évoquer les situations délicates

« Je rencontre les médecins du travail principalement à l’occasion des CHSCT (comité hygiène sécurité des conditions de travail) dans les entreprises de plus de 50 salariés. Nous sommes invités à évoquer côte à côte les sujets sensibles notamment autour de la sécurité des salariés dans l’entreprise. Face à la recrudescence de plaintes de salariés, médecins du travail, médecins inspecteurs et contrôleurs recherchent ensemble des solutions au niveau des risques psychosociaux et du harcèlement moral. Le mal-être au travail est un élément auquel nous attachons désormais beaucoup d’importance dans notre département. En recoupant nos informations, nous pouvons déceler un service, une unité où des problèmes précis se posent au niveau d’une entreprise alors nous attirons l’attention des médecins du travail. Médecins du travail et inspecteurs se rencontrent désormais, échangent leurs prérogatives pour aboutir à des recommandations sur le mode d’intervention concernant le harcèlement par exemple. Ce sont de nouvelles habitudes à prendre et cette meilleure communication entre nos services, nous permet de collaborer plus étroitement sur les situations délicates. Nous souhaitons clairement que la médecine du travail fasse de plus en plus appel à nous. Le médecin du travail est seul à suivre individuellement tous les salariés ce qui lui permet d’avoir une connaissance très précise de l’état de santé des salariés dans l’entreprise. Dans le cadre de nos contrôles, nous ne rencontrons pas autant de personnes et nous avons besoin de collaborer avec ces experts du conseil et de la prévention sur lesquels nous nous appuyions. »

Dr Philippe Rodet, cofondateur de la commission nationale sur le stress de l’association nationale des directeurs de ressources humaines : celui sait allier performance et bien-être »

« En 2007, nous avons décidé de faire naître cette commission pour améliorer la prise en considération des nouveaux phénomènes comme le stress et les risques psychosociaux par les DRH. Ces dirigeants disposent de leviers d’action importants et il nous a semblé essentiel de leur expliquer ce qu’était le stress, d’où il vient, pourquoi il est devenu toxique alors qu’il y a 20 ans on n’en parle même pas. En poussant à l’extrême nos facultés d’adaptation et en diminuant nos facteurs de protection, nous connaissons aujourd’hui un déséquilibre. Pourtant, attacher plus d’importance aux protections face au stress ne coûte rien à mettre en œuvre. Il s’agit simplement de donner envie aux personnes de le faire. Prenons simplement l’exemple de l’encouragement. Tous les managers sont convaincus de son efficacité pourtant les encouragements restent finalement assez exceptionnel, car notre cerveau ne nous pousse pas à dire ce qui va bien et donc on ne lui dit pas. Or, dès que les salariés sont encouragés, les relations deviennent moins tendues et le bien-être s’installe. Une équipe canadienne s’est même lancée dans une étude* dont les conclusions sont éloquentes. En encourageant ses collaborateurs, le niveau de stress chute de 30 % chez les hommes et plus de 40 % chez les femmes. Laisser de la liberté d’action, de l’autonomie à un collaborateur instaure un meilleur climat de travail et une hausse de performance est systématiquement enregistrée. Chez Google les salariés bénéficient de journées d’autonomie intense pour montrer leur créativité au-delà des tâches habituelles. Cette autonomie atteint aujourd’hui 20 % de leur temps de travail et 80 % des innovations développées par Google sont issues de ces moments de liberté. On peut donc à la fois générer de la performance et du bien-être. Dans cette alliance les médecins du travail peuvent aider à actionner les bons leviers, bien loin de l’argent et des augmentations de salaire. »

*Stansfeld SA, Fuhrer R, Head J, Ferrie J, Shipley M, Work and psychiatric disorder in the Whitehall II Study, Journal of psychosomatic research, juillet 1997, Vol. 43, No 1, 73-81.

Tantély Rakotoalivony, Directeur des ressources humaines de SIMT à Meaux : un praticien apte à la gestion de projets

« L’exercice de la médecine du travail évolue bien au-delà de l’expertise médicale et les recruteurs recherchent des praticiens aptent à la gestion de projets. Cette fonction exige un talent très recherché d’animation d’équipes pour coordonner les savoir-faire au sein de l’entreprise. Le profil idéal du médecin du travail dépasse son propre champ d’expertise. Naturellement, ses connaissances en santé notamment dans le domaine de la prévention sont très attendues, mais la coordination de plusieurs acteurs pluridisciplinaires pour étoffer la connaissance des problèmes rencontrés en entreprise devient primordiale. La nouvelle réforme impose cette articulation. Le service de santé au travail regroupe cette équipe pluridisciplinaire qui inclut désormais le médecin du travail. Ceci nous mène vers plus de médecine préventive, et l’obligation de résultat et non plus de moyens qui pèse sur l’employeur est aussi élargie. Le médecin du travail très investi en matière de prévention garde donc toute légitimité et doit prendre cette place. »


Source : Le Quotidien du Médecin: 8852