La ténectéplase, nouveau thrombolytique prometteur qui connaît un fort engouement, a fait l’objet de plusieurs communications au congrès international Stroke de l’American Stroke Association, qui s’est tenu du 7 au 9 février à Phoenix (États-Unis). Après trois résultats de non-infériorité par rapport à l’altéplase dans l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique, où en est-on ?
Autorisé dans l’infarctus du myocarde, il est utilisé hors autorisation de mise sur le marché (AMM), aux États-Unis et en Europe, dans l’accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique en raison de son avantage pratique. Il est administré en une injection alors que le traitement conventionnel par altéplase nécessite une perfusion d’une heure.
Sans attendre l’AMM au vu de quatre essais randomisés, les recommandations européennes de 2023 l’ont ainsi déjà intégré pour les AVC de moins de 4,5 heures, mais pas pour les AVC du réveil ni ceux d’horaire indéterminé sélectionnés sur l’imagerie. « De nombreux centres avaient switché en France vers la ténectéplase mais le thrombolytique n’est plus utilisé depuis plusieurs mois en raison de ruptures d’approvisionnement en Europe, explique au Quotidien le Pr Mikaël Mazighi, neurologue à l’hôpital Lariboisière (AP-HP) et à l'Hôpital Fondation Rothschild (Paris). Avec le réapprovisionnement prochain, la bascule va reprendre ».
Un avantage dans les unités mobiles
Une communication au congrès a mis en avant son intérêt dans les unités mobiles avec TDM embarqué, d’après une étude menée par des neurologues de Phoenix. Ces ambulances AVC sont implantées aux États-Unis et en Allemagne. En France, une expérimentation est en cours à Paris depuis l’automne avec le projet Asphalt par l’équipe du Pr Guillaume Turc (GHU Paris).
« Nous savions d’après une large étude récente randomisée que la ténectéplase est supérieure pour le traitement de l’AVC dans une ambulance avec imagerie, explique Tyler Haller, pharmacien à l’hôpital St Joseph à Phoenix et premier auteur. Notre étude s’est intéressée à l’implémentation en vie réelle de la ténectéplase ».
Pour ce travail, les chercheurs ont colligé les données des dossiers médicaux électroniques des patients pris en charge dans l’unité mobile entre février 2021 et avril 2023, c’est-à-dire avant et après le switch de l’altéplase (40 participants) vers la ténectéplase (32 participants). Il en ressort que les délais d’administration et de prise en charge n’étaient pas différents, mais avec un retour des soignants plus favorable pour la ténectéplase (calcul de dose, facilité d’administration).
Au-delà de 4,5 heures, un bénéfice à préciser
Autre communication moins enthousiaste : un essai randomisé de phase 3 publié dans The New England Journal of Medicine donne des résultats très mitigés quant à l’administration au-delà de 4,5 heures et jusqu’à 24 heures. Au-delà de 4,5 heures, le traitement conventionnel par altéplase est recommandé dans certaines situations : « l’AVC du réveil – qui concerne jusqu’à 25 % des patients - et jusqu’à 9 heures les AVC avec zones de pénombre à l’imagerie (IRM ou TDM de perfusion) prédictives de tissus potentiellement encore à sauver », rappelle le Pr Mazighi.
L’essai Timeless ne montre pas d’intérêt à administrer la ténectéplase par rapport au placebo chez des sujets sélectionnés à l’imagerie, en prenant comme critère principal de jugement le handicap à 3 mois (score modifié de Rankin). Dans cet essai, plus des trois quarts (77,3 %) ont été traités par thrombectomie ; sur les 458 patients inclus, 228 ont reçu la ténectéplase et 230 le placebo. Aucun bénéfice n’a été constaté dans le sous-groupe sans thrombectomie.
« Le traitement de référence pour l’AVC ischémique en Europe est l’association thrombolyse + thrombectomie, souligne le Pr Mazighi. La thrombectomie seule fait-elle aussi bien ? L’effectif n’est pas suffisant pour le démontrer. Mais on peut dire que la ténectéplase n’est pas à même d’aider les patients qui n’ont pas de thrombectomie. Et quand on y regarde de plus près, ce n’est pas si simple que cela. S’il n’y a pas de bénéfice sur le critère principal, il existe un bénéfice à la thrombolyse sur l’autonomie fonctionnelle et c’est bien sur cette population que les efforts se concentrent. De plus, il semble exister un avantage dans certains sous-groupes. Ces résultats sont à préciser ».
Un avis partagé par les éditorialistes qui appellent à poursuivre les essais sur une administration de la ténectéplase au-delà de 4,5 heures, chez les sous-groupes potentiellement bénéficiaires (thrombectomie prévue, absence d’occlusion des gros vaisseaux). « La ténectéplase est un médicament d’avenir au moins à court et moyen terme, avant que de nouvelles thérapeutiques n’arrivent », estime le neurologue parisien, qui participe à plusieurs essais dans le cadre du consortium Booster.
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