Vers une thérapeutique personnalisée ciblée et adaptée

Comment mieux traiter les épilepsies liées au polyhandicap

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Publié le 13/01/2020
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La prise en compte de l’étiologie des épilepsies permet désormais de mieux adapter les traitements de certains patients atteints de polyhandicap.
Chez les enfants, 25 à 31 % des épilepsies sont pharmacorésistantes

Chez les enfants, 25 à 31 % des épilepsies sont pharmacorésistantes
Crédit photo : Phanie

« Avec 55 à 60 % des patients touchés, les épilepsies représentent une des principales comorbidités du polyhandicap », indique la Dr Marie-Christine Rousseau, responsable de la recherche pour la Fédération du polyhandicap (AP-HP).

« Chez les enfants, 25 à 31 % des épilepsies sont pharmacorésistantes », ajoute-t-elle. Les épilepsies associées à des maladies rares sont, notamment, fréquemment résistantes aux traitements.

Avec la nouvelle classification des épilepsies, proposée par l’International league against epilepsy (ILAE) en 2017, il est désormais possible de mettre en place des thérapeutiques ciblées et adaptées dans certaines situations. Cette classification propose une approche selon le type de crise (début focal, généralisé ou inconnu ; motrice ou non motrice ; avec ou sans altération de conscience pour les crises focales), le type d’épilepsie (focale, généralisée, focale à propagation bilatérale, non déterminée) et, si possible, la définition d’un syndrome épileptique. Elle introduit également les notions de comorbidités et d’étiologie (structurelle, génétique, infectieuse, métabolique, immune ou inconnue), cette dernière notion ayant des répercussions importantes en matière de traitement.

Étiologie et traitements spécifiques

Ainsi, chez les enfants atteints de la maladie De Vivo, un déficit en transporteur de glucose de type 1 (GLUT 1, codé par le gène SLC2A1) entraînant, notamment, des crises d’épilepsie résistantes aux traitements, « un traitement spécifique par régime cétogène, c’est-à-dire riche en acides gras, permet d’apporter au cerveau des corps cétoniques et de diminuer les crises », indique le Pr Rima Nabbout, neuropédiatre à l’hôpital Necker-Enfants Malades (AP-HP).

Dans le syndrome des spasmes infantiles, « la vigabatrine est surtout efficace lorsque les spasmes sont dus à une sclérose tubéreuse de Bourneville », ajoute la spécialiste. D’où l’importance du diagnostic étiologique. Quant au devenir cognitif, il dépend de l’établissement rapide du diagnostic syndromique : « plus il est fait tôt, plus le traitement est délivré rapidement et plus on parvient à régulariser l’hypsarythmie, responsable d’une dégradation cognitive », ajoute-t-elle. De la même façon, de nombreuses études montrent que la chirurgie des spasmes infantiles, si elle intervient suffisamment tôt, permet un meilleur développement des enfants polyhandicapés.

« Le diagnostic syndromique et étiologique peut également être utile pour identifier les traitements qu’il ne faut pas délivrer dans certaines pathologies », ajoute le Pr Nabbout. Comme dans le syndrome de Dravet lié à une mutation du gène SCNA1, laquelle entraîne une diminution de la perméabilité des canaux sodiques au niveau cérébral (85 % des cas). « Dans ces situations, trois médicaments peuvent aggraver les crises en augmentant l’anomalie des canaux sodiques : la carbamazepine/oxcarbazepine, la lamotrigine et la vigabatrine », indique la chercheuse.

Encéphalopathie développementale et épileptique

Enfin, si certaines mutations peuvent provoquer des épilepsies responsables de troubles cognitifs, moteurs et du comportement (concept d’encéphalopathie épileptique), elles sont parfois également directement impliquées dans la genèse de ces troubles. Dans les épilepsies partielles migrantes avec déficience intellectuelle, par exemple, la déficience intellectuelle est la conséquence des crises d’épilepsie liée à la mutation du gène KCNT1 mais elle est également provoquée directement par cette mutation. Dans ce cas, on parlera donc plutôt d’encéphalopathie développementale et épileptique.

« Aujourd’hui, les thérapies auxquelles nous devons penser doivent viser à arrêter les crises mais également à modifier les différents effets des gènes impliqués dans les crises, indique la chercheuse. Ce n’est peut-être pas pour aujourd’hui, mais c’est en train d’avancer », conclut-elle.

Stéphanie Mocquery

Source : Le Quotidien du médecin