Les dernières dataient de 2012, il était temps de se mettre à la page. La Société française d’études des migraines et céphalées (SFEMC) publie ses nouvelles recommandations de prise en charge de la migraine dans le numéro de la « Revue Neurologique » paru spécialement pour les journées internationales de la Société française de neurologie sur les céphalées et douleurs des 7 et 8 octobre.
« Le diagnostic et l’évaluation ont une place importante dans ces recommandations, indique la Pr Anne Ducros, première auteure de l’article, neurologue responsable de l’unité migraine et céphalée au CHU de Montpellier et ancienne présidente de la SFEMC. Il y a ainsi une meilleure reconnaissance de la migraine chronique − souvent confondue avec des céphalées par abus médicamenteux − comme partie intégrante de la migraine, et l’intrication migraine sévère/migraine chronique est mieux prise en compte. De nouvelles thérapeutiques médicamenteuses existent, comme les anticorps anti-CGRP ou la toxine botulique, sans compter que des traitements non médicamenteux ont aussi été développés, en particulier la neurostimulation. »
Davantage de molécules pour les crises
Les étapes de prise en charge changent peu. Si la crise est peu intense, un anti-inflammatoire non stéroïdien (AINS) est conseillé en début de crise et un triptan une heure après si la réponse est insuffisante. En cas de crise modérée à sévère, le triptan doit être pris d’emblée et l’AINS une heure après si la réponse est insuffisante. Les deux molécules seront prescrites sur la même ordonnance.
« Alors qu’on ne disposait auparavant que de l’ibuprofène, du kétoprofène et du naproxène, on peut maintenant ajouter du diclofénac, du flurbiprofène et de l’indométacine (avec un niveau de recommandation modéré dans ce dernier cas, alors qu’il est élevé pour les précédents) », précise la Pr Ducros. Il n’y a pas de règle pour choisir, mais on peut facilement changer en cas d’échec, et les doses recommandées sont élevées. Les triptans disponibles, dont le niveau de preuve est élevé et qui sont fortement recommandés par la SFEMC, sont eux aussi nombreux (almotriptan, élétriptan, frovatriptan, naratriptan, rizatriptan, sumatriptan, zolmitriptan).
Deux gépants (antagonistes oraux des récepteurs anti-CGRP) − le rimegépant et l’ubrogépant − ainsi qu’un ditan (agoniste du récepteur 5-HT1F) − le lasmiditan − ont fait la preuve de leur efficacité, et, contrairement aux triptans, ne provoquent pas de vasoconstriction. « Nous ne les avons pas positionnés dans l’arsenal thérapeutique, car, quoiqu’approuvés aux États-Unis, ils ne sont pas disponibles en France », rappelle la Pr Ducros.
Pour améliorer les résultats et limiter le risque de mésusage et de migraine par abus médicamenteux, le traitement de crise doit être optimisé. Il importe ainsi de vérifier que la prise est la plus précoce possible par rapport au début de la crise, avec une dose adéquate et une galénique adaptée à la sévérité des symptômes digestifs, du métoclopramide pouvant être associé en cas de nausées. Le questionnaire M-TOQ permet d’évaluer l’efficacité et la tolérance des traitements.
Réagir face à la chronicisation
La mise en place d’un traitement de fond est nécessaire en cas de migraine sévère (huit jours de crise ou plus par mois, score au test HIT-6 de 60 ou plus et crises invalidantes) ou chronique (au moins 15 jours de crise par mois). « Il importe aussi d’évaluer les comorbidités et le retentissement émotionnel (par l’échelle HAD qui mesure les niveaux d’anxiété et de dépression) : l’hypertension artérielle ainsi que la dépression sont en effet des facteurs de risque de progression de la migraine épisodique vers la migraine chronique, tout comme le nombre de jours de crise par mois et la surconsommation du traitement de crise », précise la neurologue. Le traitement de fond a pour objectif de réduire le nombre de jours de crise de 50 % en cas de migraine épisodique et de 30 % en cas de migraine chronique.
Si la migraine est épisodique, la SFEMC recommande comme traitement de fond en première intention des bêtabloquants (propranolol, métoprolol) pour les patients éligibles, et dans le cas contraire du topiramate à faible dose, du candésartan ou de l’amitriptyline. Le valproate, malgré un niveau de preuve élevé, n’a pas d’autorisation de mise sur le marché (AMM) en France pour la migraine et ne doit en aucun cas être prescrit aux femmes en âge de procréer. Si la migraine est chronique, le topiramate (chez les patients éligibles) sera le traitement de première intention. L’efficacité du traitement de fond est jugée après trois mois.
Anti-CGRP injectables et botox, une place difficile
Après échec d’un second traitement de fond, la SFEMC recommande un anti-CGRP injectable en prophylaxie des migraines épisodiques ; et soit du botox, soit un anti-
CGRP en prophylaxie des migraines chroniques. Bien que ce ne soit pas si simple.
Il existe trois anticorps anti-CGRP injectables par voie sous-cutanée à avoir leur AMM en France (un quatrième est injectable par voie intraveineuse mais n’a pas d’AMM) : le galcanézumab, le frémanézumab et l’érénumab. Aucun n’est remboursé. Le galcanézumab (Emgality, laboratoire Lilly), disponible depuis le printemps 2021, coûte 245 euros par boîte (et, après deux injections le premier mois, une injection mensuelle est nécessaire). La toxine botulique est remboursée depuis juillet 2021, mais reste à usage hospitalier uniquement.
D’autres solutions à ne pas mépriser
De façon isolée ou en adjonction aux traitements médicamenteux, la SFEMC recommande l’activité physique d’endurance (2 h 30 par semaine), des thérapies cognitivo-comportementales de gestion du stress, mais aussi de la relaxation, du biofeedback ou de la méditation en pleine conscience (en cas de migraine associée au stress), ainsi que de l’acupuncture. Les études sont généralement de qualité faible, mais ces méthodes sont bien tolérées et acceptées par les patients.
Mais c’est surtout la neuromodulation (ou neurostimulation) qui a attiré l’attention de la SFEMC. Ce traitement non invasif module le message douloureux, avec un niveau de preuve modéré. Certains dispositifs sont utiles en traitement de crise, d’autres en prophylaxie, et diminuent alors de façon satisfaisante la fréquence des crises. Ils demeurent cependant à la charge des patients et ne sont pas tous disponibles en France.
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