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Dossier

SFETD 2021

Fractures vertébrales, même pas mal ?

Par Hélène Joubert - Publié le 10/01/2022
Fractures vertébrales, même pas mal ?


SPL/ PHANIE

Les douleurs induites par les fractures ostéoporotiques vertébrales ont fait l’objet d’une session dédiée lors du récent congrès de la Société française d’étude et traitement de la douleur (SFETD) (Montpellier, 17-19 novembre). L’occasion de rappeler que contrairement à certaines idées reçues, ces fractures peuvent être particulièrement algiques, y compris au long cours.

Alors que les fractures des os périphériques sont douloureuses avant immobilisation et pendant la consolidation mais beaucoup moins après cicatrisation, les fractures vertébrales peuvent entraîner des douleurs aiguës prolongées, pouvant coter sur l’EVA jusqu’à 8 à 10 pour des fractures de grade 3. Les douleurs chroniques sont aussi présentes, avec une altération majeure de la mobilité et de la qualité de vie.

La distorsion du périoste, à l’origine de douleurs parfois intenses

« Lorsque le périoste est très irrité, une fracture vertébrale ostéoporotique clinique entraîne en moyenne 18 jours de douleurs rachidiennes intenses selon la sévérité de la fracture, explique le Dr Rose-Marie Javier (CHU de Strasbourg), un mois de handicap important et un retour à la vie normale après 5 à 7 mois. Mais les douleurs rachidiennes au long cours sont multipliées par 2,4. »

La douleur aiguë dans la fracture vertébrale est due à la distorsion mécanique du périoste, doté d’un maillage très dense de fibres sensitives mécanosensibles, avec jusqu’à 200 fois plus de nerfs que l’intérieur de l’os. La densité et l’organisation des fibres nociceptives est identique chez les personnes âgées et les adultes jeunes.

« La gravité des fractures vertébrales est peu reconnue alors qu’elles vont provoquer des douleurs chroniques, des complications psychologiques et une diminution de la durée de vie en moyenne de 10 ans », précise le Dr Javier. Pourtant, contrairement aux autres pathologies rhumatologiques, la littérature est particulièrement pauvre en ce qui concerne la gestion de la douleur de l’ostéo­porose fracturaire. Certains traitements spécifiques de l’ostéoporose peuvent jouer sur la douleur.

Anti-ostéoporotiques et antalgiques

L’étude prospective observationnelle ExFOS (la seule avec la douleur en objectif primaire) menée chez 1 454 patients ostéoporotiques traités par tériparatide confirme son efficacité anti-fracturaire clinique vertébrale, mais surtout la diminution des scores de douleurs rachidiennes et l’amélioration de la qualité de vie (score EQ-5D), du fait de la réparation et du raccourcissement du temps de cicatrisation, ce qui réduit de fait la période douloureuse. Une étude avec le pamidronate a montré une amélioration de la douleur debout dès le 7e jour post-fracturaire.

Concernant la chirurgie, une méta-analyse Cochrane (2018) et le rapport de la Task Force américaine (2019) ont conclu qu’aucune preuve n’est en faveur de la vertébro­plastie en routine. Cependant, « en présence de rachialgies intenses post-fracture vertébrale récente avec hospitalisation et alitement prolongé, son utilisation peut être envisagée précocement dans les formes graves, surtout si la fracture siège à la charnière thoracolombaire », précise la rhumatologue.

Quant aux antalgiques à proprement parler, une étude a montré l’efficacité des patchs de fentanyl avec de faibles dosages. Pour leur part, les AINS sont déconseillés car ils freinent la cicatrisation fracturaire. Un constat validé dans plusieurs études, dont l’une, chez la souris, a montré que le naproxène, contrairement à l’aspirine, diminue la formation osseuse trabéculaire. Pour leur part, les orthèses de dos luttent contre l’hypercyphose et, de ce fait, la douleur. L’exercice physique est lui aussi antidouleur (marche nordique…). Côté recherche, la voie du Nerve Growth Factor (NGF), cible thérapeutique potentielle, a été abandonnée avec l’arrêt des travaux sur le tanezumab à la suite d’un avis européen défavorable.