Psychiatrie et troubles du neurodéveloppement : GluD1, un récepteur excitateur qui n'en est pas un

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Publié le 03/01/2024
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Même si la plupart des récepteurs synaptiques, à l’extrémité des neurones, sont aujourd'hui bien connus, certains n'avaient pas encore révélé leurs particularités. C'est le cas du GluD1, un récepteur supposément excitateur qui participe en réalité à l’inhibition. Cette découverte a fait l'objet d'une publication dans la revue Science, le 7 décembre 2023.

Une observation surprenante

Dans le cerveau, il existe des familles de récepteurs synaptiques qui transmettent des messages excitateurs (la famille de récepteurs du glutamate, le neurotransmetteur excitateur) et d’autres inhibiteurs (la famille des récepteurs du GABA, le neurotransmetteur inhibiteur). Or, en 2019, l’équipe Inserm de la chercheuse Cécile Charrier à l’Institut de biologie de l’École normale supérieure (ENS) observe que le récepteur du glutamate GluD1 est préférentiellement retrouvé au niveau de synapses inhibitrices. Cette observation amène à des recherches plus poussées.

« Nous avons alors découvert que le GluD1, pourtant membre de la famille des récepteurs à glutamate, a évolué de telle façon qu'il est désormais incapable de se lier au glutamate et se lie en revanche au GABA, venant ainsi réguler l’inhibition », commente avec enthousiasme le co-auteur de l'étude Pierre Paoletti, directeur de recherche Inserm à l'Institut de biologie de l'ENS (Ibens). Ce rôle contre-intuitif n’avait encore jamais été observé, il est le fruit d'une collaboration entre des chercheurs de l’Inserm, du CNRS et de l’ENS, au sein de l'Ibens, et le laboratoire de biologie moléculaire du MRC à Cambridge au Royaume-Uni.

Le GluD1 était resté jusqu'alors plutôt méconnu. Contrairement aux autres récepteurs, il a la particularité de ne pas former de canal ionique, « ce qui a rendu son étude plus délicate et explique qu'il n’ait pas été étudié plus récemment », suppose Pierre Paoletti.

Des propriétés uniques

« Cette étude est de la recherche purement fondamentale, nous travaillons avec des modèles animaux de souris, ajoute Pierre Paoletti. Néanmoins, il est possible que nos travaux puissent amener à de nouvelles perspectives thérapeutiques, un jour ». En effet, des études de génétique humaine ont montré que des altérations dans le gène GluD1 étaient retrouvées dans un certain nombre de troubles neurodéveloppementaux et de maladies psychiatriques, comme les troubles du spectre autistique ou la schizophrénie.

« Ce récepteur joue un rôle là où on ne l’attend pas, ça le rend d’autant plus intéressant qu’il a des propriétés d’interaction avec les liants, de fonctionnement et d’expression anatomiques et pharmacologiques tout à fait particulières, décrit le directeur de recherche. Du fait de son unicité, on peut espérer qu’on aura la capacité de le toucher avec des stratégies thérapeutiques ciblées qui inhibent ou augmentent son activité sans toucher les autres membres des deux grandes familles de récepteurs. »

Trouver des molécules d'intérêt pharmacologique

Des études en biologie structurale, en pharmacologie et en neurophysiologie sont prévues autour du GluD1. Pierre Paoletti cite également un programme dit « de criblage de médicaments », afin de découvrir de petites molécules capables d’interférer avec la fonction de ce récepteur, pour le potentialiser ou l’antagoniser. « Ces petites molécules seront testées afin d'observer si elles altèrent sa fonction et peuvent être d'intérêt pharmacologique. Il faudra ensuite évaluer leur effet sur des modèles animaux de troubles neurodéveloppementaux pour voir s’il y a de la restauration cognitive ou fonctionnelle », développe-t-il soucieux de ne pas donner de « faux espoirs » , rappelant qu'il s'agit de recherche à long terme.


Source : lequotidiendumedecin.fr