Sclérose en plaques au féminin : les chercheurs français dévoilent le rôle des hormones sexuelles masculines

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Publié le 03/04/2023
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Crédit photo : Garo/Phanie

Contrairement à ce que l'on pouvait penser, et en dépit de leur faible concentration, les hormones masculines joueraient un important rôle neuroprotecteur, anti-inflammatoire et remyélinisant chez les femmes atteintes de sclérose en plaques (SEP), selon un travail préclinique (souris, tissus humains) mené par des chercheurs de l'unité Inserm-Université Paris-Saclay « Maladies et hormones du système nerveux » située à l'hôpital Kremlin-Bicêtre (AP-HP). Les résultats sont publiés dans « Nature Communications ».

« La sclérose en plaques touche trois femmes pour un homme, rappelle Élisabeth Traiffort, directrice de recherche à l'Inserm, qui a coordonné l'étude. Cette observation avait précédemment incité plusieurs équipes internationales à regarder ce qu'il se passe au niveau des hormones sexuelles.  »

La capacité des hormones mâles, ou androgènes, à réparer les gaines de myéline avait déjà été démontrée dans les modèles de souris. Une petite étude pilote avait même montré que l'administration d'hormones mâles à des hommes atteints de forme récurrente-intermittente réduisait la progression de la SEP.

Au cours de leurs travaux, les scientifiques du Kremlin-Bicêtre ont constaté une forte expression microgliale des récepteurs aux androgènes dans les lésions de souris femelles utilisées comme modèle de la maladie, mais aussi dans le tissu cérébral de femmes atteintes de SEP Cette observation suggérait l’existence d’un rôle essentiel des androgènes au niveau du tissu démyélinisé. Une conviction renforcée par le fait que, si les signaux transmis par les androgènes sont bloqués, la régénération de la myéline s'en trouve fortement réduite.

Un rôle différent selon le sexe

Dans leur article, les chercheurs expliquent que les androgènes et les œstrogènes agissent en synergie pour favoriser la remyélinisation chez la souris femelle démyélinisée, mais pas de la même manière selon le sexe. « Nos analyses transcriptomiques montrent très clairement que la remyélinisation n'implique pas les mêmes gènes chez les mâles et les femelles », indique Élisabeth Traiffort.

De plus, il n'y a que chez les souris femelles que les hormones mâles inhibent l'expression de gènes liés au système immunitaire, induisant un effet anti-inflammatoire, qui n'est pas observé chez les mâles.

Les effets bénéfiques des androgènes chez les femmes atteintes de sclérose en plaques pourraient donc également être liés à la diminution du niveau d’inflammation cérébrale et spinale, dans les zones où la myéline est détruite. Ce résultat est d'autant plus intéressant que, selon une hypothèse actuellement admise, la progression de la maladie serait étroitement associée aux cellules inflammatoires résidant dans le tissu nerveux. Là encore, un dimorphisme sexuel est observé : les mâles présentent au niveau de leurs lésions des cellules immunitaires phagocytaires très majoritairement d'origine centrale, alors que les souris femelles ont un mélange à parts égales de cellules centrales et périphériques.

Restaurer un taux physiologique d'androgènes

À partir de ces travaux « on peut formuler l'hypothèse qu'en maintenant les taux d'androgènes à leur niveau physiologique chez les patientes, on pourrait avoir un effet positif sur la maladie », avance Élisabeth Traiffort. D'ailleurs, elle rappelle que « chez les patientes qui viennent d'accoucher, il y a souvent des poussées de SEP qui coïncident avec la chute brutale non seulement des hormones femelles, mais aussi des hormones mâles ».

À l'avenir, la chercheuse espère travailler sur des formulations médicamenteuses spécifiquement adaptées pour tenter de rétablir un taux physiologique d'androgènes sans risque de concentrations hormonales périphériques trop élevées.

Damien Coulomb
SEP

Source : lequotidiendumedecin.fr