Un premier patient parkinsonien remarche quasi normalement grâce à une neuroprothèse

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Publié le 06/11/2023
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Contrairement aux traitements conventionnels de la maladie de Parkinson, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes pendant la marche

Contrairement aux traitements conventionnels de la maladie de Parkinson, cette neuroprothèse vise la zone de la moelle épinière responsable de l’activation des muscles des jambes pendant la marche
Crédit photo : CHUV

Il se prénomme Marc, et il est le tout premier patient dont les défauts de la marche provoqués par la maladie de Parkinson ont été presque entièrement gommés par une neuroprothèse d'électrostimulation greffée dans la moelle épinière. Ce dispositif mis au point par une collaboration de chercheurs Inserm et CNRS de l’université de Bordeaux, et des chercheurs et neurochirurgiens suisses, stimule électriquement environ 5 cm de moelle épinière pour harmoniser la démarche du patient.

Le prototype est le même que celui utilisé par Grégoire Courtine de l'École polytechnique de Lausanne (EPFL) et la neurochirurgienne Jocelyne Bloch du centre hospitalier universitaire vaudois (Chuv) pour leurs importantes et très médiatisées avancées dans le domaine du rétablissement de la marche des patients médullolésés.

Une problématique plus facile à traiter

« Historiquement, Grégoire Courtine est spécialisé dans les paraplégies causées par une lésion de la moelle épinière », explique Erwan Bézard, directeur de recherche Inserm à l'Institut des maladies neurodégénératives (CNRS/université de Bordeaux). C'est lorsque ces deux spécialistes commencent à collaborer qu'un projet voit le jour pour adapter la technologie à la problématique des patients atteints de la maladie de Parkinson.

« Il est plus facile d'utiliser ce dispositif chez un patient parkinsonien, explique Erwan Bézard. Contrairement à un médullolésé, il marche déjà et n'a pas un énorme besoin en physiothérapie et de se remuscler. À peine la prothèse installée, la démarche s'améliore et le risque de chute diminue. »

Dans leur étude publiée dans Nature Medicine, les auteurs décrivent les premières étapes d'évaluation chez le primate non humain et les résultats de l'implantation chez Marc, le premier patient sélectionné. Ce dernier aujourd'hui âgé de 62 ans est « un patient typique », commente Erwan Bézard : diagnostiqué à 36 ans, appareillé pour la stimulation profonde en 2006. Après 30 ans d'évolution de la maladie, il ne parvenait à marcher qu'avec de grandes difficultés.

Au bout d'un an, le nombre de chutes est passé de deux à cinq par jour à une ou deux chutes par semaine. Quant au « freezing », cette incapacité à décoller les pieds du sol, elle a complètement disparu. Les chercheurs ont mené une étude de cinématique, chez les primates comme chez le patient humain, utilisant des caméras de motion capture avec 120 variables, allant de la mesure de l'angle du genou, de la hanche et de la cheville, à la rigidité des bras ou la hauteur du pas. Ces analyses démontrent une amélioration sensible de la démarche. « On peut aussi imaginer des impacts sur le long terme en termes de qualité de vie du patient et de l’entourage », estime le chercheur.

Une nouvelle étape dans la prise en charge des patients les plus avancés

Pour Erwan Bézard, ce nouveau dispositif pourrait constituer à l'avenir la troisième étape de la prise en charge des patients parkinsoniens à un stade avancé, après la lévodopa (dans les premiers stades de la pathologie) puis la stimulation cérébrale profonde. « Les troubles de la marche interviennent en moyenne après huit ans d'évolution, explique le chercheur. Ce n'est pas un traitement qui se substitue aux deux autres, mais qui s'ajoute. Chez l'animal, on voit bien qu'il y a un intérêt à maintenir la stimulation cérébrale profonde en plus des électrodes de stimulation de la moelle épinière. »

L'évolution de la maladie pourrait-elle diminuer l'efficacité du dispositif ? Erwan Bézard estime que non pour la marche. Mais quant aux autres types de problèmes qui peuvent survenir comme les problèmes cognitifs, ils ne sont pas du ressort de ce dispositif.

L'équipe du Pr Bloch et de Grégoire Courtine va poursuivre l'expérience sur un groupe de six malades atteints de Parkinson. Il reste aussi à savoir si une telle innovation, au coût probablement très élevé, pourra bénéficier au plus grand nombre, alors que les deux scientifiques ont lancé une start-up - Onward - pour travailler à sa commercialisation. Pour justifier d'un remboursement public, l'avancée thérapeutique devra se confirmer comme majeure.

Mais le cas de Marc constitue d'ores et déjà un « tour de force » qui démontre la « faisabilité » d'une telle approche, selon d'autres neurologues qui ont commenté l'étude dans un point de vue du même numéro de Nature Medicine.


Source : lequotidiendumedecin.fr