ANSES : La transversalité des plasmides de résistance

Publié le 24/10/2013
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Parmi les mécanismes d’antibiorésistance, les plasmides représentent un sujet de préoccupation de premier rang en raison de son potentiel de diffusion incroyablement étendu : d’une bactérie à une autre mais aussi d’une espèce animale à l’autre, et même de l’animal à l’homme. La transversalité des plasmides de résistance est une véritable source d’inquiétude sur la transmission potentielle de l’antibiorésistance de la médecine vétérinaire à la médecine humaine.

C’est le mécanisme en cause dans la résistance aux céphalosporines de dernière génération chez les entérobactéries, en particulier chez E.Coli. En particulier, la production de bêta-lactamase à spectre étendu, ou BLSE, correspond à ce mécanisme gouverné par des gènes localisés sur des plasmides. Les données moléculaires les plus récentes plaident en faveur d’un réservoir plasmidique commun de gènes BLSE, transversal aux espèces animales et bactériennes.

De l’ADN circulaire au « super potentiel » de diffusion

Les plasmides sont de petites molécules d’ADN circulaires. Elles se transmettent très facilement entre bactéries, y compris d’espèces différentes (E.Coli et Salmonella enterica par exemple). Mais également d’une espèce animale à l’autre, puisque le même plasmide BLSE a été retrouvé chez des souches d’E.Coli de porc (2000-2004), chez des souches d’E.Coli de bovins (2009-2011) et la même année dans les filières avicoles et bovines. En particulier, certains plasmides BLSE sont retrouvés chez l’Homme et chez l’animal, même s’ils sont hébergés par des clones d’E.Coli différents, chacun plutôt spécifique de son hôte.

Le même plasmide à des années et des kms de distance

Une étude menée en 2012 sur la résistance au ceftiofur dans le cadre du Résapath a révélé que la résistance était portée par le même plasmide chez des souches d’E.Coli isolées d’un large éventail d’espèces animales en France (chat, chiens, chevaux, chèvre). Ce plasmide avait été identifié auparavant dans des souches de S. enterica isolée chez l’Homme, la volaille et les bovins. Au final, ce travail suggère une large diffusion du plasmide en France, quelle que soit la nature des clones d’entérobactéries et des espèces animales concernées. Les animaux ne présentaient aucun lien épidémiologique et la majorité étant des animaux de compagnie ne répondait à aucune logique de troupeau ou de filière. Les régions de collecte étaient très distantes et les souches identifiées sur une large période (2006-2010).

Ce mécanisme de résistance est donc à très fort potentiel de diffusion. L’étude détaillée des plasmides BLSE chez les entérobactéries humaines et animales vise à mieux les comparer, mieux identifier ceux qui sont majoritaires et mieux identifier ceux qui sont communs aux deux groupes. Ces investigations moléculaires sont donc l’une des clés essentielles d’appréciation du risque de transmission Homme-animal de l’antibiorésistance. La cartographie plasmidique des BLSE permet progressivement d’identifier les points de jonction moléculaire entre les différents réservoirs, y compris environnementaux, laissant l’espoir d’élucider les voies et les niveaux de risque de transmission entre animal et Homme.


Source : Le Quotidien du Médecin: 9274