Les médicaments pour maigrir

Des voies de recherche

Publié le 16/12/2013
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Entretien avec le Pr Blandine Gatta-Cherifi*

MALGRÉ les déboires du rimonabant, premier antagoniste des récepteurs CB1 des endocannabinoïdes, le système endocannabinoïde n’a pas dit son dernier mot. Il s’agit d’un système orexigène stimulant la prise alimentaire. Les concentrations plasmatiques des endocannabinoïde sont plus élevées chez les sujets obèses que chez les sujets normopondéraux. Il a aussi été montré que le taux plasmatique d’un des endocannabinoïdes, l’anandamide, augmente dans le sang avant le repas et diminue ensuite, cinétique compatible avec un signal de faim. Chez le sujet obèse, on n’observe pas, à même niveau calorique, de baisse postprandiale, comme si l’inhibition de la prise alimentaire était défaillante. « Dans le même travail, nous avons montré une corrélation inverse entre le tour de taille et la diminution des concentrations postprandiales de l’anandamide. À l’opposé, le peptide YY, impliqué dans l’arrêt de la prise alimentaire, augmente moins ces mêmes sujets obèses que chez ceux de poids normal », observe le Pr Blandine Gatta (Bordeaux). Le système endocannabinoïde intervient donc dans la dérégulation des systèmes de faim et de rassasiement observés chez l’obèse.

L’histoire n’est pas finie.

Les travaux sur des anti-cannabinoïdes se poursuivent. Des antagonistes périphériques ont été testés chez l’animal : leur impact métabolique est intéressant, et comme ils ne passent pas la barrière hémato-encéphalique, ils sont dépourvus des conséquences psychiatriques observées avec le rimonabant. Les agonistes inverses pourraient aussi être dénués de ce type d’effets secondaires.

« Il est toutefois peu probable que le traitement pharmacologique de l’obésité ne repose que sur une seule cible, tant les systèmes impliqués dans la prise alimentaire sont redondants et complexes, et on s’oriente maintenant vers des approches bidirectionnelles », souligne le Dr Gatta. Les dernières molécules autorisées par la Food and drug administration (FDA), sont, d’une part, un agoniste des récepteurs à la sérotonine de type 5-HT2C, qui éviterait le risque de valvulopathies, et, d’autre part, l’association phentermine et topiramate. Il est peu probable que ces molécules soient commercialisées en France.

L’obésité hypothalamique : sévère et rebelle au traitement.

L’obésité hypothalamiquethalamique est rare, mais complique 60 % des traitements par chirurgie ou radiothérapie des tumeurs hypothalamiques comme les craniopharyngiomes. Conséquence de la destruction des noyaux régulant la prise alimentaire et la dépense énergétique, l’obésité est majeure, avec des IMC tournant autour de 50-60 kg/m2, et très difficile à prendre en charge.

Sa physiopathologie est particulièrement complexe ; il existe certainement une insensibilité organique à la leptine, avec parfois des comportements impulsifs vis-à-vis de l’alimentation, une perte de la sensation de satiété comme celles décrites dans les obésités monogéniques liées à des anomalies du gène de la leptine ou de son récepteur ; s’y associe probablement un hyperinsulinisme avec un dysfonctionnement de la balance entre le fonctionnement du système nerveux autonome para- et orthosympathique qui modifie l’activité du nerf vague et la sécrétion insulinique. On retrouve aussi une baisse de la dépense énergétique au cours de l’activité, réduite pour de multiples raisons comme les séquelles motrices, visuelles, etc. ; ainsi qu’une diminution du métabolisme de base, beaucoup plus marquée que dans l’obésité commune.

Une étude sur la chirurgie bariatrique dans cette indication montre une certaine efficacité avec, à 6 mois, une perte de 20 kg et à 13 mois de 15 kg, des résultats cependant moins bons que dans l’obésité commune. « Nos données sont similaires, avec trois répondeurs sur quatre, constate le Dr Gatta. Cepedant, la HAS recommande la prudence dans la prise en charge de ces obésités hypothalamiques ».

La littérature sur les approches pharmacologiques est pauvre. Une étude menée chez l’enfant avec un analogue de la somatostatine, l’octréotide, semblait prometteuse mais un deuxième essai chez l’adulte s’est révélé décevant pour la perte de poids et s’associait à une augmentation significative des épisodes lithiasiques. La sibutramine avait fait l’objet d’une étude avec des résultats pondéraux qui restaient inférieurs à ceux obtenus dans l’obésité commune ; la molécule a depuis été retirée du marché. D’autres études cas-contrôle ont été menées avec des isomères des amphétamines, la caféine, l’association metformine/diazoxine, etc.

Le Dr Blandine Gatta coordonne un programme hospitalier de recherche clinique (PHRC) national qui devrait débuter prochainement avec les analogues du GLP1, dont on connaît l’effet pondéral chez le diabétique mais aussi chez l’obèse non diabétique. Dans l’obésité commune non diabétique, il a été prouvé l’absence d’échappement au traitement, l’efficacité du liraglutide se maintenant à deux ans. Au niveau périphérique, ils ralentissent la vidange gastrique et tendent à augmenter la dépense énergétique chez les répondeurs (perte de plus de 5 % du poids corporel), alors que la dépense énergétique diminue habituellement avec la perte de poids. Les effets centraux s’exercent non seulement au niveau hypothalamique mais aussi au niveau du cortex préfrontal impliqué dans la régulation de la prise alimentaire, du noyau du tractus solitaire et passent aussi par transmission vagale. Quelques observations témoignent de résultats intéressants. L’étude randomisée en double aveugle versus placebo évaluera l’efficacité et la tolérance de l’exénatide sur une durée de 6 mois.

* Centre spécialisé pour la prise en charge de l’obésité Acquitaine Nord, CHU de Bordeaux.

 Dr MAÏA BOVARD-GOUFFRANT

Source : Bilan spécialistes