« Le développement des organoïdes représente un domaine en pleine expansion. C’est une technique révolutionnaire avec beaucoup de possibilités », s’enthousiasme Olivier Goureau. Ce directeur de recherche Inserm à l’Institut de la vision travaille sur les organoïdes rétiniens, dont les premiers modèles ont été mis au point en 2010.
« Un organoïde est un système biologique auto-organisé en 3D généralement issu de cellules souches qui récapitule la structure et la composition cellulaire de l’organe concerné et dans la mesure du possible certaines de ses fonctions », rappelle le chercheur. Aujourd’hui, la plupart des organes sont reproduits (au moins partiellement) en laboratoire dans un milieu de culture approprié. Les organoïdes rétiniens actuels se rapprochent de plus en plus d’une rétine adulte, mais des obstacles restent encore à franchir pour optimiser ces « mini-organes ».
Engouement pour la thérapie cellulaire
Les organoïdes rétiniens, mis au point à partir de cellules souches pluripotentes humaines, ont une durée de vie qui peut atteindre jusqu’à 300 jours. Ils représentent une source de photorécepteurs qui pourraient être transplantés sous la rétine dans le cadre de la thérapie cellulaire.
« Nous sommes parvenus à restaurer une vision partielle chez des animaux, mais cela ne se fait pas encore chez l’homme, souligne Olivier Goureau. Il y a un réel engouement pour la thérapie cellulaire en ophtalmologie, car l’œil est un organe relativement facile à atteindre par voie chirurgicale et qui bénéficie d’un privilège immun, très avantageux pour la transplantation. De plus, un faible pourcentage de cellules photosensibles étant suffisant pour voir, nous n’avons pas besoin de transplanter énormément de matériel. »
Les organoïdes permettent aussi de reproduire et d’étudier les différentes étapes du développement d’une rétine saine en boîte de culture et de mettre au point des modèles de maladie. « Les dégénérescences rétiniennes héréditaires sont des pathologies pour lesquelles il n’existe généralement pas de modèle animal pertinent, notamment parce que l’œil humain est très différent de celui des animaux », précise Olivier Goureau, ajoutant que la macula n’existe que chez l’homme.
Étudier la rétinite pigmentaire
Selon le chercheur, plus de 200 mutations dans plus de 70 gènes ont été retrouvées dans la rétinite pigmentaire. En utilisant des cellules de patients reprogrammées en cellules souches pluripotentes induites (iPS), il est possible de fabriquer des organoïdes porteurs de la mutation du patient, recréant ainsi son phénotype. Dans ce type de pathologie, une perte progressive des photorécepteurs conduit à la cécité : d’abord les bâtonnets en périphérie, puis les cônes au centre. Les organoïdes permettent d’étudier ce processus.
« Nous disposons ainsi d’un modèle qui nous permet de comprendre les mécanismes en jeu. Et à terme, nous pouvons imaginer développer des molécules qui empêcheraient la mort des photorécepteurs et les tester dans les organoïdes », avance Olivier Goureau.
Les organoïdes ont aussi un intérêt dans le développement de thérapies innovantes, comme la thérapie génique. « Des chercheurs sont parvenus à réverser le phénotype associé à une dystrophie rétinienne héréditaire avec une mutation bien identifiée en apportant à l’organoïde portant cette mutation une copie normale du gène à l’aide d’un vecteur viral », explique le chercheur. Ces résultats sont encore préliminaires mais une telle approche pourrait être envisagée chez l’homme. D’autres techniques sont étudiées pour corriger une mutation au sein des organoïdes, comme CRISPR-Cas9.
Développer des stratégies de vascularisation
Une des limites aux organoïdes est le fait que leurs interactions avec leur environnement sont insuffisamment prises en compte dans les modèles actuels. C’est pourquoi de nombreuses équipes cherchent à développer des stratégies de vascularisation. Des systèmes de co-culture avec des cellules endothéliales et des organes « on chip » (sur puce) permettant de faire circuler des flux ont déjà été mis au point.
Certaines équipes travaillent également sur plusieurs types d’organoïdes à la fois.
Autre obstacle, les organoïdes ont vocation à reproduire les fonctions de l’organe qu’ils miment, mais la réponse à la lumière est complexe à évaluer. « Tout un arsenal d’approches est imaginé pour évaluer de manière robuste cette fonction, comme le recours à des approches d’électrophysiologie permettant d’enregistrer l’activité des cellules rétiniennes », note Olivier Goureau.
Alors que les organoïdes rétiniens se perfectionnent d’année en année, peut-on envisager un jour leur implantation chez l’homme ? Pour le chercheur de l’Institut de la vision, « il ne sera pas possible d’implanter l’organoïde dans sa totalité, mais la greffe sous la rétine de fragments contenant les photorécepteurs peut être envisagée. Les Japonais ont annoncé mener un essai clinique en ce sens », avance-t-il.
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