Forme inaugurale dans 20 % des cas

Névrite optique rétrobulbaire dans la sclérose en plaques

Publié le 09/09/2009
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Crédit photo : S Toubon

Baisse d’acuité visuelle

Les atteintes ophtalmologiques de la SEP sont très fréquentes et souvent, le premier signe de la maladie. C’est le cas par exemple de la névrite optique rétrobulbaire (NORB) représentant environ 20 % des manifestations inaugurales de la SEP (Gilbert 2007). Dans la cohorte Lorraine du LORSEP (Debouverie et al., 2008), 554 patients sur 2 871 (19 %) ont commencé leur maladie par une névrite optique. D’autres atteintes ophtalmologiques peuvent être observées comme symptôme inaugural de la SEP, quoique beaucoup plus rare à ce stade, notamment une ophtalmoplégie internucléaire, un nystagmus ou une diplopie (Chen et Gordon, 2005).

Cliniquement, la NORB se traduit par une baisse d’acuité visuelle unilatérale, d’installation rapide et d’intensité souvent importante. Elle est presque toujours associée à des douleurs lors de la mobilisation des globes oculaires. En revanche, l’intensité de la douleur n’est pas prédictive de mauvais pronostic (Lepore, 1991). Il s’y associe fréquemment une difficulté de vision des couleurs ou dyschromatopsie, le plus souvent entre le vert et le rouge. La gêne visuelle peut être accentuée lors d’un effort physique ou d’une exposition à la chaleur (phénomène d’Uhthoff).

Champ visuel

Les examens complémentaires, outre la confirmation de la baisse de la vision grâce à l’échelle d’acuité visuelle et la vérification au fond d’œil de l’absence de cause ophtalmologique (glaucome, cataracte etc.), vont rechercher des perturbations du champ visuel et un allongement de la latence de l’onde P100 des potentiels évoqués visuels (PEV), témoin de la démyélinisation. Une réduction de la sensibilité aux contrastes lumineux peut également être observée (Vighetto et al., 1 990).

Prise en charge

La prise en charge thérapeutique de la NORB consiste en l’administration de 1 g/jour pendant trois jours de méthylprednisolone par voie intraveineuse. Le traitement permet le plus souvent une récupération visuelle plus rapide sans bénéfice sur le pronostic de la vision. Les corticoïdes per os sont contre indiqués chez ces patients depuis les premiers résultats de l’étude ONTT (Optic Neuritis Treatment Trial, 1997) qui a montré un taux de rechute clinique plus important dans le groupe traité par corticoïdes per os que par placebo.

La question fondamentale une fois le diagnostic de NORB confirmé avec l’aide de l’ophtalmologiste est celle du risque de déclencher une SEP après ce premier épisode.

L’étude ONTT (2 008) - 389 patients suivis pendant 15 ans - a montré que la probabilité cumulée de SEP 15 ans après le début d’une névrite optique est de 50 % avec un risque plus élevé les 5 premières années. La présence de lésions à l’IRM est fortement corrélée au risque de développer une SEP mais la normalité de l’examen IRM initial n’élime en rien ce diagnostic. En effet, sans lésion à l’IRM initiale, seulement 25 % des patients auront une SEP confirmée après quinze ans de suivi contre 78 % si l’IRM présente 3 lésions ou plus. Milonas et Georgiadis (2008) ont confirmé ces résultats en montrant que les patients atteints de névrite optique avaient un risque de 40 % de développer une SEP dans les quinze ans qui suivent l’épisode initial.

Nilsson et al. (2005) ont suivi sur plus de 31 ans une cohorte de 86 patients présentant une névrite optique monosymptomatique unilatérale. Ils concluent que le risque de SEP dans ce type de population est de 40 % et est significativement plus élevé si le LCR initial est anormal. Ces données sont corroborées par l’étude de Jin et al. (2003) sur 147 patients présentant une NO isolée sur une durée moyenne de 3,8 ans. La présence de lésions de SEP à l’IRM et de bandes oligoclonales (IgG) dans le LCR (CSF) est des marqueurs pronostiques forts de SEP.

Le traitement par corticothérapie IV accélère la récupération visuelle sans modifier les paramètres visuels finaux. Le traitement de la NO par corticoïdes intraveineux à haute dose ne modifie pas l’évolution de la vision à long terme, bien qu'il raccourcisse la durée de la période inflammatoire. L’influence à long terme des traitements de fond spécifiques de la SEP (Interféron bêta, acétate de glatiramer) est moins bien connue. Il est cependant clair que les corticoïdes n’ont pas d’effet sur l’évolution vers une SEP cliniquement définie au-delà de trois ans et ne semble pas avoir d’influence sur le handicap à long terme.

Dans l’étude ONTT (2008) le score de handicap (EDSS) était disponible pour les 113 patients ayant complété les quinze ans de l'étude. Parmi ces patients, 70 (67 %) avaient un score inférieur à 3 (patient totalement ambulant) et seulement 13 (12 %) avaient un score EDSS supérieur à 6 (nécessité au minimum d’une canne pour marcher), ce qui est particulièrement bas par rapport à l’histoire naturelle de la maladie connue dans d’autres études. Le nombre de patients reste faible, mais, peut être retrouve-t-on ici le reflet des traitements de fond puisque 93 patients (82 %) étaient ou avaient été traités.

Nouvelles techniques

Grâce aux nouvelles techniques (vision des contrastes, OCT de 4e génération prévue en France en 2009…), il devient aujourd’hui possible de réaliser une exploration très fine des fonctions visuelles. Il sera peut-être possible à l’avenir de rechercher des éléments pronostiques et prédictifs de conversion vers une SEP cliniquement définie très tôt dans la maladie.

Références

Chen L, Gordon LK. Ocular manifestations of multiple sclerosis Curr Opin Ophthalmol. 2005;16:315-20

Debouverie M. Pittion-Vouyovitch S, Louis S, Guillemin F; LORSEP Group. Natural history of multiple sclerosis in a population-based cohort - European Journal of Neurology 2008, 15: 916–921

Gilbert ME, Sergott RC. New directions in optic neuritis and multiple sclerosis. Curr Neurol Neurosci Rep. 2007 May;7(3):259-64

Jin YP, de Pedro-Cuesta J, Huang YH, Söderström M. (2003) : Predicting multiple sclerosis at optic neuritis onset. Multiple sclerosis 2003; 9: 135-141

Lepore FE The origin of pain in optic neuritis. Determinants of pain in 101 eyes with optic neuritis. Arch Neurol. 1991 Jul;48(7):748-9

Milonas I and Georgiadis N. Role of Optic Neuritis Diagnosis in the Early Identification and Treatment of MS. Int MS J 2008;15:69-79

Nilsson P. Larsson EM, Maly-Sundgren P, Perfekt R, Sandberg-Wollheim M. Predicting the outcome of Optic Neuritis; Evaluation of risk factors after 30 years of follow-up. J Neurol 2005;252:396-402.

ONTT (1997) The 5-year risk of MS after optic neuritis. Experience of the optic neuritis treatment trial. Optic Neuritis Study Group. Neurology 1997;49:1404-13.

ONTT (2008) - (Optic Neuritis Study Group) : Multiple sclerosis risk after optic neuritis: final optic neuritis treatment trial follow-up Arch Neurol 2008;65:727-32.

Vighetto A Grochowicki M, Cousin J. Spatial contrast sensitivity in MS Rev Neurol 1990;146:264-70.

Dr JÉRÔME DE SEZE Clinique Neurologique, Hôpital Civil, Strasbourg CEDEX

Source : lequotidiendumedecin.fr