Glaucome

Toujours évolutif

Publié le 06/02/2014
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« Ces dernières années, nous avons fait d’importants progrès pour mieux comprendre et appréhender la progressivité du glaucome », indique le Dr Jacques Laloum, spécialiste de cette pathologie à la Fondation Rothschild à Paris. « On a longtemps appréhendé l’évolution d’un glaucome traité sous la forme d’une simple alternative : stabilité ou aggravation. On sait maintenant que la progression des glaucomes traités est pratiquement la règle. Le but du traitement n’est pas de stopper, mais de ralentir au maximum cette progression ».

Les progrès des logiciels de suivi des champs visuels et des examens de structure permettent actuellement d’évaluer à quel taux le glaucome progresse et de construire une pente d’évolution.

La prise en compte de la vitesse de progression a aussi permis aux spécialistes de la maladie de réaliser qu’il existait deux populations très différentes de patients : les progresseurs lents et les progresseurs rapides. « Pour les patients de la première catégorie, on va même parfois se demander pendant plusieurs années si on est en présence d’un patient ayant une pression anormalement élevée ou d’un patient glaucomateux qui évolue très faiblement, indique le Dr Laloum. Il s’agit de deux populations de patients qui se ressemblent car, dans les deux cas, il n’y aura pas de handicap visuel. Donc même s’il faut parfois du temps pour affirmer le diagnostic, il n’y a pas d’enjeu fonctionnel majeur pour le patient. »

La situation est évidemment différente pour les progresseurs rapides. « Là, l’enjeu est de pouvoir mettre en place rapidement un traitement incisif. Si on intervient trop tard, le risque est d’avoir déjà perdu trop de fibres nerveuses rétiniennes avec, à la clef, un handicap visuel pour le patient », souligne le Dr Laloum.

Surveillance des deux premières années.

Devant un glaucome avéré, le clinicien se donne deux ans pour faire la distinction entre progresseurs lents ou rapides.

« Pendant ces deux premières années, il n’est pas possible d’utiliser les indices de progression pour construire une pente d’évolution. La recension des principaux facteurs de risque est un première étape : chiffre pressionnel, âge, importance et bilatéralité de l’atteinte, syndrome exfoliatif, pour les principaux. Des éléments de la surveillance peuvent aussi nous alerter : apparition d’une hémorragie papillaire ou pics pressionnels élevés », indique le Dr Laloum.

Mais un progresseur rapide sur deux échappe à ces filtres. La mise en place d’une base de référence d’examens complémentaires (champs visuels et OCT) et d’une surveillance étroite doit donc être systématique. « La répétition des champs visuels au cours de ces deux premières années ne va pas nous permettre de construire déjà une courbe de progression. Mais cela peut mettre en évidence l’aggravation rapide d’un déficit localisé », souligne le Dr Laloum, en précisant qu’il faut faire, si possible, au moins six champs visuels au cours de ces deux premières années.

« Après ces deux premières années, la distinction progresseur lent/rapide est faite. La surveillance ultérieure va permettre une estimation régulière du taux de progression. Les études d’évolution ont montré que la pente d’évolution passée permettait de prédire celle future. On peut ainsi évaluer la réserve visuelle du patient, et, en tenant de son espérance de vie, prévoir la survenue d’un retentissement, voire d’un handicap visuel. Nous pouvons ainsi établir un pronostic visuel précis pour chaque patient », explique le Dr Laloum. « C’est vraiment important car cela permet de savoir si le traitement est suffisant pour éviter une gêne visuelle ou si, au contraire, une inflexion thérapeutique est nécessaire ».

Entretien avec le Dr Jacques Laloum, glaucomatologue, praticien titulaire à la Fondation Rothschild à Paris.

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La progression des glaucomes traités est pratiquement la règle

Antoine Dalat

Source : Bilan spécialistes