Une cornée 100 % artificielle développée par la société israélienne CorNeat Vision a été implantée dans le cadre d'un essai clinique à l'Hôpital Fondation Rothschild (Paris), pour la première fois en Europe, chez une patiente aveugle après six échecs de greffes. À un mois de l'intervention, la patiente de 59 ans a déjà recouvré une partie de sa vision.
« C'est une innovation technique et chirurgicale, estime le Pr Éric Gabison, ophtalmologue et investigateur principal. La patiente n'avait aucune autre possibilité : en échec de greffe, le risque de rejet était de 70 % à un an. Quant aux kératoprothèses, elles nécessitent toujours du tissu humain, et l'odontoprothèse de Strampelli, réalisée à partir d'une propre canine extraite chez le patient, est une technique longue et lourde. »
La prothèse développée par CorNeat Vision présente l'avantage d'être 100 % synthétique, composée d'un matériau poreux, non dégradable, qui imite la microstructure de la matrice extracellulaire.
« La seule kératoprothèse en compétition est la Kpro développée par une équipe de Boston, précise le Pr Gabison. L'optique est en plastique mais elle nécessite un support de greffon humain en périphérie. Différents types de complications - amincissement, fonte tissulaire, voire extrusion de la prothèse - peuvent survenir en périphérie en raison d'une mauvaise cicatrisation. »
Un atout pour la cicatrisation
Avec la prothèse synthétique, la cicatrisation est déportée. « La prothèse s'encastre au niveau de la sclère et est suturée sous la conjonctive, le contexte de cicatrisation n'est pas le même », explique l'ophtalmologue.
L'intervention est simplifiée et réalisée dans un seul temps opératoire. La prothèse est disponible à tout moment avec un stockage possible de plus d'un an à température ambiante. Et la prothèse artificielle ne présente pas les risques infectieux et immunologiques des bioprothèses et des greffons humains.
La prothèse a déjà été testée chez deux patients en Israël avec un an de recul. En France, l'essai clinique prévoit d'inclure sept patients à Rothschild et sept autres à Montpellier pour un suivi total d’un an. Un deuxième patient a été implanté depuis à Montpellier. « La prothèse va-t-elle bien s'intégrer ? Des complications vont-elles survenir ? Même les kératoprothèses du XIXe siècle survivaient au moins une semaine, rappelle le Pr Gabison. Comme avec toutes les innovations dans leur phase d'essai clinique, il convient d'être prudent et d'avoir du recul quant aux résultats à moyen et long termes, mais cette première intervention s'avère particulièrement prometteuse. »
La prothèse artificielle ouvre des perspectives dans un contexte de pénurie mondiale de greffons de cornée humaine. Et la thérapie cellulaire, pour laquelle le Pr Philippe Gain de Saint-Étienne a reçu la semaine dernière le prix exceptionnel des Gueules cassées, est encore du domaine de la recherche.
En mettant en culture les cellules endothéliales, le Pr Gain en collaboration avec une équipe japonaise vise à pouvoir greffer plusieurs dizaines de receveurs à partir d'un seul donneur. « Ces travaux de bioingénierie s'adressent aux œdèmes cornéens, la première indication à la greffe dans les pays industrialisés, mais pas aux opacités avec néovaisseaux », précise le Pr Gabison.
Pour ce qui est de la cornée artificielle, « de nombreux patients seront éligibles, y compris dans les pays ne disposant pas d'infrastructures permettant la greffe de tissus. Nous pourrons greffer des patients jusqu'alors sans possibilités thérapeutiques, atteints de pathologies cornéennes sévères », espère l'ophtalmologue.
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