Primo-prescription des audioprothèses : les ORL inquiets par un avis de la HAS favorables aux généralistes

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Publié le 19/10/2018
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Crédit photo : S. Toubon

Vent d'inquiétude chez les médecins ORL ! Ils pourraient bientôt perdre un peu plus la main sur la première prescription médicale des audioprothèses. C'est en tout cas ce que préconise la commission nationale d’évaluation des dispositifs médicaux et des technologies de santé de la Haute Autorité de santé (HAS) dans un avis (consultatif) daté du 9 octobre, qui fait craindre le pire au syndicat des médecins spécialisés en ORL et chirurgie cervicofaciale (SNORL). 

Ce texte fait suite à un premier avis de projet, publié au « Journal officiel » le 21 juin dernier, sur la modification des modalités de prise en charge de dispositifs médicaux pour la prise en charge d’aides auditives. Il était alors écrit noir sur blanc que « la délivrance pour l'adulte et l'enfant de plus de six ans d'un premier appareillage auditif est soumise à la prescription médicale préalable et obligatoire par un médecin oto-rhino-laryngologiste (ORL) ». Un propos qui avait fortement agacé les médecins généralistes, l'ORL n'ayant pas le monopole de la primo-prescription dans la réalité.   

Mais dans l'avis final d'octobre, revirement de situation ! L'instance de la HAS préconise finalement qu'un appareillage soit délivré « après un bilan préalable clinique et audiométrique », sans le limiter au médecin spécialiste de l'audition. Ce bilan (qui comprend un examen otologique et audiométrique tonal et vocal), obligatoire, devra juste être réalisé « par le médecin prescripteur ».

Dans son argumentaire, la commission indique qu'actuellement, « 25 % des aides auditives prises en charge en primo appareillage sont prescrites par des médecins non ORL, dont 23 % par des médecins généralistes ». Par ailleurs, elle souligne que le délai moyen d’accès à l’ORL est de trois semaines sur le territoire national et que leur nombre va décroissant. De 2 854 en 2018, la profession pourrait descendre à 2 456 en 2029, selon les projections de la DREES (ministère de la Santé). Cinq départements français comptent moins d’un ORL pour 100 000 habitants.

« Risque de dérive »

Ce nouveau grignotage du champ d'action des ORL inquiète le SNORL, dont le président, le Dr Nils Morel, avait déjà mis en garde face à une éventuelle perte de la prescription des audioprothèses par les ORL.

« La prise en charge de l’hypoacousie repose sur un bilan médical exhaustif, scientifiquement validé et reproductible, souligne le médecin. Or là, la commission recommande une audiométrie dans le bruit, alors que cet examen n'est pas validé en langue française ! » Selon lui, seuls les ORL sont en mesure de fournir ce bilan préalable à la prescription « de façon complète et exhaustive » (interrogatoire, examen clinique, tympanométrie, recherche des réflexes stapédiens, audiométrie tonale en conduction aérienne et osseuse et audiométrie vocale). « De plus, le matériel pour réaliser ce genre d'examens demande 15 000 à 20 000 euros d'investissement, c'est énorme pour un généraliste, juste pour quelques examens », fait valoir le Dr Morel.

Le syndicat s'interroge donc sur les conséquences pour le patient « en cas de prescription non conforme » et « infirme » le postulat selon lequel la démographie des ORL serait incompatible avec une prise en charge dans des délais raisonnables.

Il attire par ailleurs l’attention « sur le risque de dérive d’un système où l’aide auditive devient un enjeu économique majeur » : le nombre de nouvelles prescriptions et de renouvellements pourrait venir majorer les coûts « de façon notable », estime le SNORL, qui a demandé à la commission d'évaluation des dispositifs médicaux de modifier son avis.


Source : lequotidiendumedecin.fr