Les hommes touchés dix ans avant les femmes

Reconnaître la presbyacousie à ses débuts

Publié le 30/05/2011
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Crédit photo : S Toubon

POUR LES PROFESSIONNELS de santé c’est déjà une surdité, la presbyacousie, mais pour les patients c’est plutôt une malaudition, une gêne auditive. Son premier signe est fourni par cette interrogation intérieure du patient : « Mais qu’est-ce qu’il a dit ? » Cette question, explique le Pr Bruno Frachet, (hôpital Avicenne, Bobigny) montre que l’audition n’est plus normale. Elle n’est plus conforme à la définition : « je comprends de façon automatique et irrépressible », c’est-à-dire « je n’ai aucun effort à faire pour comprendre. »

Le contexte de la gêne auditive joue aussi son rôle. « Dans le calme, il faut une perte avancée de l’audition pour que le sujet ne comprenne pas. Si du bruit ambiant se rajoute, si des personnes parlent autour, et qu’une gêne se fait sentir, nous sommes alors dans le cadre d’une atteinte légère, ou du moins, il s’agit du premier signe, le plus précoce…. »

Ce bruit ce ne sont donc pas que des machines. « C’est tout ce qui n’est pas destiné à l’auditeur, par exemple, dans un café ou un restaurant, les dialogues de la table d’à côté ». « C’est la situation dite de cocktail party » explique le Pr Frachet. Partant de cette notion, il est plus aisé de comprendre que les prothèses auditives puissent convenablement supprimer un bruit de machine, mais qu’elles aient du mal à atténuer le bruit généré par des conversations. C’est-à-dire supprimer de la parole… qu’elles sont censées privilégier.

L’étape suivante est assez classique. Le sujet s’aperçoit seul de sa gêne, mais il ne juge pas une consultation nécessaire. « Il n’y a que quelques moments embarrassants dans la journée. L’impression globale est celle d’une audition normale. C’est ce qui alimente le déni de surdité ».

Un peu plus tard, c’est l’épouse qui s’inquiète. « Elle en a assez qu’il ne lui réponde pas, qu’il n’ait pas accompli une tâche au motif qu’il n’a pas entendue ». Le Pr Frachet ne parle pas de la femme au hasard. « Globalement les hommes ont 10 ans d’avance sur la presbyacousie. Une femme de 70-80 ans a l’audition d’un homme de 60-70 ans ».

Si le patient ne consulte pas à ce stade. Les signaux d’alerte suivants viennent de son environnement professionnel « qui lui veut du bien », parce qu’en réunion il ne comprend pas tout… « Je ne comprends pas la phrase ! »

La phase ultime est celle d’une gêne installée. « Il ne peut plus aller au cinéma, par exemple, parce qu’il est hyperacousique. Il n’entend plus les sons faibles, mais les sons forts sont insupportables ». Il n’y a plus de progressivité dans l’audition : il entend mal et tout d’un coup trop fort. C’est la distorsion : l’oreille ne fonctionne plus correctement. À ce moment, il est très probable qu’il se décide à consulter son médecin traitant.

Le généraliste doit y être sensibilisé. Pour cela il faut rappeler les petits signes de début. « Le patient comprend mal quand il ne peut s’aider de la lecture labiale, il faut repérer le mouvement de ses yeux qui vont des yeux à la bouche du médecin. À l’énoncé de chiffres, tensionnels par exemple, ou de noms propres il fait répéter. Le généraliste peut aussi constater l’hyperacousie ».

Le patient doit être adressé à un ORL pour bilan, et proposition de compensation, vraisemblablement suivi d’appareillage. « Des études ont récemment démontré que mieux les gens entendent plus les fonctions cognitives se maintiennent longtemps. On pourrait retarder l’arrivée des démences par le maintien d’une audition acceptable ».

La presbyacousie n’est pas qu’un problème d’intensité sonore, mais aussi de qualité, il s’y ajoute, dans la plupart des cas, des acouphènes. « Si les patients sont souvent réticents à se faire appareiller pour surdité, ils le sont moins quand il s’agit de soulager un acouphène ou une distorsion. L’acceptation est alors bien meilleure. »

Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 8973