Biomédicaments

De plus en plus prescrits chez l’enfant

Publié le 12/11/2015
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La fabrication de biomédicaments est issue de la technologie des hybridomes, ces cellules monoclonales capables de se multiplier à l’infini et de produire des anticorps (AC) spécifiques pour n’importe quel antigène (Ag). Ces AC peuvent neutraliser un Ag circulant, se fixer sur un récepteur membranaire pour lyser une cellule, moduler la réponse immunitaire pour la stimuler (cancérologie) ou induire une immunosuppression (rhumatologie).

Les applications de ces traitements ciblés concernent presque tous les champs de la médecine : néonatalogie (Ig spécifiques des Ag du VRS), hématologie, cancérologie, gastro-entérologie (MICI), neurologie (SEP), dermatologie (asthmes réfractaires, psoriasis), et, le plus souvent, rhumatologie (arthrite juvénile idiopathique (AJI), maladies auto-inflammatoires, polyarthrite rhumatoïde, spondylartropathies…).

Depuis 15 ans l’étanercept a révolutionné le traitement de l’AJI. « Désormais, l’enfant atteint d’une AJI arrive à l’âge adulte sans destruction articulaire dans la majorité des cas, explique le Dr Belot, et le recours aux attèles, prothèses, orthèses, etc. est devenu rarissime ».

Ces thérapeutiques ciblées sont efficaces et bien supportées ; le problème principal est leur coût élevé.

« Les biosimilaires, qui arrivent sur le marché au fur et à mesure que les biomédicaments princeps tombent dans le domaine public (aujourd’hui l’infliximab, dans 1 an l’étanercept…), sont également issus du génie biologique, ils sont aussi efficaces que les princeps mais réduisent modérément le coût (- 25 %) », note le Dr Belot.

Infections, risque carcinologique

Les réactions locales lors de l’injection SC ou IV sont fréquentes à l’initiation du traitement. Elles peuvent persister à chaque injection, notamment les douleurs (moindres en injectant à température ambiante et en appliquant de la glace après l’injection). Des kits avec aiguilles plus fines seront bientôt proposés pour certains biomédicaments.

Le risque infectieux est avéré. Plus l’enfant est jeune, plus le surrisque est marqué. Les infections des voies aériennes supérieures (VAS) sont les plus fréquentes, elles sont à parts égales bactériennes (pneumopathies, impétiginisations) et virales (grippe, varicelle). Les recommandations actuelles sont de ne pas administrer de vaccins vivants atténués sous biomédicaments, de faire une vaccination la plus large possible (méningo C, pneumocoque) avant traitement, et de vacciner contre la grippe tous les ans. Les parents d’enfant traités par biomédicament immunosuppresseur sont sensibilisés à la nécessité de consulter en cas de fièvre ou de symptômes d’infection bactérienne. « Dans la majorité des cas, en cas de suspicion d’une infection bactérienne le pédiatre peut suspendre sans risque la biothérapie durant quelques jours à une semaine (selon la maladie sous-jacente) pour éviter que l’infection se complique, indique le Dr Belot. En cas de doute, il peut contacter le médecin prescripteur pour avis ».

Le risque carcinologique à long terme est inconnu, d’où l’importance d’être vigilants. En rhumatologie, l’AJI active apparaît associée à un surrisque de cancer. « Les études de cohorte n’indiquent pas de surrisque des biomédicaments par rapport aux autres traitements (Methotrexate…). Une grande étude de cohorte européenne sur les effets secondaires sous biomédicaments est en cours (Pharmachild, 5 000 enfants traités pour AJI). Les données sur la tolérance (non encore publiées) semblent bonnes. Contrôler la maladie semble réduire le surrisque carcinologique de l’AJI, mais le recul (10 -15 ans) demeure faible… », précise le Dr Belot.

Quels défis pour l’avenir ? « Il va falloir surveiller les patients à long terme, améliorer le réseau ville-hôpital (information des pédiatres et autres soignants), intégrer les nouvelles technologies médicales dans la prise en charge personnalisée des enfants malades afin de déterminer le médicament ciblé le plus approprié qui assurera la rémission en étant le moins agressif possible », conclut le Dr Belot.

D’après un entretien avec le Dr Alexandre Belot, CHU de Lyon
Dr Sophie Parienté

Source : Bilan spécialiste