Des causes fonctionnelles pubertaires, mais pas que...

Face aux saignements vaginaux de l’adolescente

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Publié le 08/12/2023
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De 2 à 5 % des jeunes filles ont des ménométrorragies plus ou moins sévères, pouvant être responsables d’une anémie, voire d’un état de choc nécessitant une hospitalisation d’urgence. Dans 80 % des cas, la cause est fonctionnelle.
Il n’y a pas de risque que les règles restent plus abondantes

Il n’y a pas de risque que les règles restent plus abondantes
Crédit photo : VOISIN/PHANIE

 

Les ménométrorragies n’ont rien d’exceptionnel chez la jeune fille. « Cela se produit parfois dès les premiers cycles, mais plus généralement après quelques cycles, car les premiers sont le plus souvent anovulatoires. Ces ménométrorragies surviennent en raison d’un déséquilibre entre œstrogènes et progestérone (avec trop d’œstrogènes et pas assez de progestérone), l’axe hypothalamohypophysaire n’étant pas encore mature, explique la Pr Chantal Stheneur, pédiatre au pôle hospitalo-universitaire de santé des adolescent.es et jeunes adultes, Fondation santé des étudiants de France, Paris. Parmi ces jeunes filles qui ont des ménométrorragies, on retrouve 80 % de causes fonctionnelles (sans pathologie sous-jacente) et 20 % de causes organiques, qu’il importe donc d’éliminer pour ne pas passer à côté. »

Explorer causes et conséquences

Les règles sont dites « abondantes » quand elles nécessitent plus de huit changes par jour, « prolongées » lorsqu’elles durent plus de sept jours consécutifs et « fréquentes » lorsqu’il se passe moins de vingt et un jours entre deux cycles. « Devant une jeune fille qui consulte pour des ménométrorragies, il faut avant tout en évaluer la gravité : l’anémie n’est pas rare (encore faut-il quantifier son ampleur). Certaines jeunes filles sont même en état de choc, dans les cas les plus sévères. Une fois l’urgence traitée, il va falloir comprendre pourquoi », souligne la Pr Stheneur.

Le bilan comporte une numération formule sanguine-plaquettes (pour estimer l’ampleur de l’anémie), la recherche d’un trouble de l’hémostase qui peut être dû à déficit de facteur de la coagulation, une thrombopathie, voire une prise médicamenteuse (aspirine, anticoagulants), les ß— HCG pour rechercher une grossesse, une TSH/T4 pour vérifier le fonctionnement de la glande thyroïdienne (hypothyroïdie), le dosage de la prolactine (hyperprolactinémie) et de la testostérone à la recherche d’un syndrome des ovaires polykystiques (Sopk) et enfin, une échographie pelvienne qui peut déceler une tumeur bénigne ou, exceptionnellement, maligne.

Une prise en charge active

Le traitement de ménométrorragies d’origine fonctionnelle est symptomatique. « Si l’hémorragie est modérée, avec une Hb ≥ 8 g/dl, on prescrit de l’acide tranexamique (Exacyl), associé à de l’acétate de chlormadinone (Lutéran 10), dix jours par moi, ainsi qu’une supplémentation en fer pendant quelques cycles, détaille la Pr Stheneur. En revanche, devant une hémorragie génitale grave, avec une Hb < 8 g/d l il faut commencer par hospitaliser la jeune fille pour la transfuser, donner de l’Exacyl en IV, avec de grosses doses d’œstroprogestatifs (par exemple Minidril [éthinylestradiol + lévonorgestrel] – trois comprimés le premier jour puis un par jour en continu pendant trois à six mois), associés à une supplémentation en fer. Le but est de stopper complètement les saignements et de bloquer les cycles le temps que la maturation de l’axe hypothalamohypophysaire se fasse. Ensuite, si la jeune fille est demandeuse, il est possible de lui prescrire une contraception. »

Enfin, en cas de cause organique retrouvée, outre le traitement symptomatique, s’ajoute bien évidemment celui de la cause.

Il est important de rassurer la jeune fille : la ménométrorragie pubertaire ne préjuge en rien de la suite, une fois l’axe hypothalamohypophysaire devenu mature. Elle n’encourt pas de surrisque que ses règles restent abondantes toute sa vie ou qu’elle présente une quelconque pathologie, comme une endométriose par exemple.

Entretien avec la Pr Chantal Stheneur (Paris)

 

 

Chez la petite fille, une situation différente

Les causes des saignements vaginaux sont très différentes chez la petite fille. Selon son origine anatomique :

- si le saignement est vulvaire, il faut rechercher une cause traumatique (chute à califourchon, mais aussi possibles sévices). Plus rarement, c’est un prolapsus de l’urètre ou une atteinte vasculaire cutanée (angiome, lichen scléreux) qui est retrouvé.

- si le saignement est endovaginal, il peut être en rapport avec un corps étranger — surtout en cas de leucorrhée associée — ou plus exceptionnellement, une tumeur.

Enfin, en présence de signes pubertaires, il faut penser à une puberté précoce.


Source : Le Quotidien du médecin