Maladie chronique

La transition de l'enfant à l'adulte

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Publié le 10/11/2016
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La transition est difficile pour les patients, pour les parents, parfois aussi pour les soignants. Mais les conséquences d’un échec sont claires : « Dans la plupart des pathologies chroniques à début pédiatrique, les patients qui ne sont plus suivis par des services spécialisés voient leur état de santé se dégrader, avec plus de complications à court et long terme », rappelle le Dr Jacquin. 

Or, sans préparation ni accompagnement, le passage brutal à 18 ans de la pédiatrie au service adulte se solde par un échec dans 15 à 50 % des cas. Ce passage doit être anticipé par l’ensemble des acteurs de la prise en charge et préparé au minimum un an à l’avance.

Beaucoup d’adolescents – et de parents – redoutent de quitter le cocon rassurant de la pédiatrie. « C’est la fin du rêve de l’enfance : celui d’une guérison magique ou d’un possible traitement à venir, qu’entretient parfois inconsciemment le pédiatre », indique le Dr Jacquin. Les non-dits sur l’évolution de la maladie sont plus effrayants que la réalité : « les pédiatres doivent être mieux informés sur les complications à l’âge adulte pour en parler sereinement à l’adolescent », suggère le Dr Jacquin.

Anticipation positive

On oublie souvent en pédiatrie qu'on ne gardera pas à vie son jeune patient. « Le premier travail du pédiatre est l’anticipation positive : il faut accompagner très tôt, de façon ouverte et dynamique les passages, vers l’adolescence d’abord vers 10-12 ans, puis vers l’adulte en fin d’adolescence. Élargissons le suivi au-delà de l’observance, même si incontestablement celle-ci pose souvent problème à l’adolescence. Abordons tôt les questions qui se posent à travers la maladie chronique, dont on parle souvent trop tard ou sur le pas de la porte, ou pas du tout : croissance, alimentation, sommeil, puberté, vie professionnelle, sentimentale et sexuelle, spécificités de la grossesse et de la contraception, risques de transmission de la maladie, fertilité, risques généraux et spécifiques des consommations de drogues, tabac, alcool… ». Évitons d’attendre 17 ans pour apprendre à un jeune que sa maladie lui interdit son métier rêvé, ou qu’une grossesse se planifie de façon très spécifique dans certaines maladies. Cette approche globale suppose que l’adolescent soit reçu régulièrement seul une partie de la consultation, et que la confidentialité soit respectée.

Une étape de la vie, non un examen

Il faut du temps pour les adolescents et du temps pour les parents. « Annoncer 1 à 2 ans avant le passage en adulte que nous amorçons le processus de transition leur donne le temps d’être prêt et à l’aise ». Organiser cette préparation autour d’objectifs et d’étapes, utiliser des questionnaires de transition, tout ceci aide à l’émancipation progressive du patient et à l’instauration d’une relation médecin malade moins verticale. « Réfléchissons avec le jeune à ce qui pourrait le rendre plus autonome à la prochaine consultation. Souvenons-nous qu’être autonome, ce n’est ni savoir tout, ni tout faire bien. C’est être conscient de sa maladie, connaître ses compétences et ses limites, c’est-à-dire les domaines sur lesquels on a besoin d’être aidé et les ressources à mobiliser », rappelle le Dr Jacquin.

Les parents sont à associer à ce processus. Souvent ambivalents par rapport à l’autonomisation de leur adolescent, ils jouent généralement encore un rôle central dans la gestion de la maladie et des traitements qui doit être reconnu. Leurs avis et conseils sont précieux, mais il faut aussi les aider à laisser leur enfant s’approprier sa maladie et faire les expériences nécessaires à la construction de son indépendance.

Les soignants aussi peuvent freiner le passage en adulte de jeunes patients qu’ils n’estiment pas assez autonomes. Attention aux effets déresponsabilisant du maintien en pédiatrie. « Ce passage est dans l’ordre des choses. C’est une étape de la vie et non un examen conditionné à de bonnes notes, rappelle le Dr Jacquin. Le patient ne sera peut-être jamais bien équilibré et compliant. Il vaut mieux l’inciter à aller de l’avant, lui apprendre à « faire avec » ses difficultés et en faire part au correspondant en adulte pour qu’il soit suivi avec plus d’attention. N’ayons pas peur d’être jugés ».

Lien de confiance

Des consultations conjointes (pédiatres et médecins d’adultes) ou en alternance sont possibles mais lourdes au plan organisationnel. Le plus important est le lien de confiance qui existe entre les deux médecins. Il est souhaitable d’adresser le jeune à un médecin précis, de surveiller ensuite la réception des courriers de consultation, et de laisser la porte ouverte en l’invitant à rappeler s’il n’accroche pas avec le médecin d’adultes. « Je conseille aussi aux parents de l’accompagner aux premières consultations en service d’adultes et suggère au collègue d’adultes de les recevoir. Eux aussi ont besoin de « voir la tête » de ce nouvel acteur pour « passer le témoin », condition sécurisante pour que leur fils ou leur fille s’engage dans cette nouvelle relation de soins », conclut le Dr Jacquin.

D’après un entretien avec le Dr Paul Jacquin, hôpital Robert Debré

Dr Sophie Parienté

Source : Bilan Spécialiste