L'acide valproïque entraîne une sénescence des cellules souches du cerveau chez l'embryon

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Publié le 06/07/2022
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Crédit photo : Muriel RHINN

Comment l'acide valproïque entraîne-t-il des anomalies du neurodéveloppement chez les enfants exposés in utero ? Alors que d'autres antiépileptiques tels que le topiramate se révèlent aussi en cause, les mécanismes sous-jacents restent peu connus. Des chercheurs français montrent dans une étude sur des organoïdes cérébraux humains et dans des modèles animaux que l'antiépileptique induit une sénescence excessive des cellules souches du cerveau embryonnaire.

Ces travaux Inserm/CNRS/Université de Strasbourg menés à l'Institut de génétique et de biologie moléculaire et cellulaire (IGBMC) ont été publiés dans « Plos Biology ». Ces résultats expliquent en partie certains défauts du développement neural ainsi que certaines caractéristiques physiologiques de l'exposition au médicament, comme la microcéphalie.

Des conséquences tératogènes diverses

L'acide valproïque, indiqué dans le traitement de l'épilepsie et des troubles bipolaires, est tératogène. Les futures mères courent un risque accru de donner naissance à des enfants présentant des troubles neurodéveloppementaux (trouble du spectre de l'autisme), des déficiences cognitives ou encore des malformations congénitales. L'Agence du médicament (ANSM) recommande depuis 2018 de ne plus le prescrire aux femmes enceintes, sans exception dans les troubles bipolaires et sauf en cas d'absence d'alternative thérapeutique dans l'épilepsie. Une mise à jour des informations sur les risques a été récemment mise en ligne.

En France, entre 17 000 et 30 000 enfants souffrent de déficiences cognitives ou d'un trouble du spectre de l'autisme à la suite d'une exposition in utero au médicament. Indépendamment, certains bébés exposés développent aussi des malformations congénitales, comme la microcéphalie ou encore le spina bifida, et entre 2 000 et 4 000 enfants seraient concernés.

La sénescence lors du développement, un phénomène complexe

Le chercheur Inserm Bill Keyes et son équipe à l'IGBMC ont d'abord étudié des embryons de souris exposés à l'acide valproïque. Là, les scientifiques ont observé une forte sénescence dans les cellules neuroépithéliales, les précurseurs embryonnaires du cerveau, ce qui a pour conséquence une diminution du nombre de neurones. L'équipe a ensuite confirmé ces résultats dans des cellules neuroépithéliales humaines à l'aide d'organoïdes simulant le développement du cerveau humain.

Bill Keyes et son équipe étudient depuis plusieurs années la sénescence, ce processus biologique habituellement associé au vieillissement et aux maladies liées à l'âge. Néanmoins, les scientifiques ont montré il y a 10 ans que la sénescence pouvait toucher certaines cellules lors du développement embryonnaire et entraîner des effets bénéfiques. Une hypothèse avancée est qu'initiée au mauvais moment, la sénescence peut être délétère.

Une protéine clé identifiée, d'autres mécanismes impliqués

Pour aller plus loin, les chercheurs ont mené des études génétiques et ont montré le rôle de la protéine appelée p19Arf dans le déclenchement de la sénescence dans les cellules neuroépithéliales exposées à l'acide valproïque. Cette protéine est associée à des défauts de développement du système nerveux et à la microcéphalie mais pas à la spina bifida.

« Nous montrons que l'acide valproïque provoque une sénescence abusive dans le cerveau (...), explique Bill Keyes. Cependant, d'autres études permettront d'approfondir ce travail pour identifier d'autres mécanismes impliqués. » Pour Muriel Rhinn, première autrice de l'étude et chercheuse CNRS, « la découverte que l'activation atypique de la sénescence dans l'embryon peut perturber le développement soulève la possibilité qu'elle puisse également contribuer à des défauts dans des contextes de développement au-delà de ceux que nous avons étudiés ici ».


Source : lequotidiendumedecin.fr