Signes cutanés, muqueux et digestifs

L'anaphylaxie du nourrisson mieux connue

Par
Publié le 29/04/2019
Article réservé aux abonnés
anaphylaxie

anaphylaxie
Crédit photo : Phanie

Manifestation la plus sévère de l'allergie, l'anaphylaxie peut revêtir différentes formes cliniques. Urticaire, œdème de Quincke, difficultés respiratoires, vomissements, diarrhée, malaise, perte de connaissance… ses symptômes sont variables et surviennent, le plus souvent, dans les minutes suivant le contact avec l'allergène.

Chez le nourrisson de moins d'un an, il n'existe pas, à ce jour, de critères diagnostiques fiables. Et les cohortes décrivant les particularités de l'anaphylaxie à cet âge sont rares.

Des symptômes spécifiques

Néanmoins, plusieurs études mettent en exergue les signes spécifiques de l'anaphylaxie du tout-petit. Le registre européen des cas d'anaphylaxie montre notamment que les vomissements et l'urticaire sont particulièrement fréquents chez le nourrisson. Une autre étude de cohorte (1) menée sur 357 enfants ayant fait une anaphylaxie alimentaire met en évidence l'importance des signes cutanés, muqueux et digestifs et la rareté des signes oropharyngés et cardiocirculatoires. « L'ingestion est la voie de déclenchement exclusive de l'anaphylaxie chez le nourrisson. Les cofacteurs (fièvre, virus) et les réactions biphasiques sont rares à cet âge », souligne le Dr Guillaume Pouessel, pédiatre, CH de Roubaix et CHRU de Lille.

Le réseau d'allergo-vigilance a recensé 1 951 cas d'anaphylaxie alimentaire en France, entre 2002 et 2018 : 386 chez l'enfant d'âge préscolaire et 61 chez le nourrisson. « Contrairement aux autres études, les données du réseau d'allergo-vigilance ont montré une fréquence plus élevée d'atteinte cardiocirculatoire chez les nourrissons. De fait, cette atteinte est, souvent, sous-estimée car les soignants ne mesurent pas assez leur pression artérielle », indique le Dr Pouessel.

Sevrage de lait maternel, une période à risque

Des données françaises de mortalité par anaphylaxie (tous âges confondus) émanant de l'Inserm ont permis d'identifier 43 décès entre 1979 et 2014 : aucun ne concernait les nourrissons (2). Entre 2002 et 2018, le réseau d'allergo-vigilance a, quant à lui, recensé 18 décès après anaphylaxie : les plus jeunes étaient âgés de 6 ans (3). Chez le nourrisson, l'âge moyen de survenue de l'anaphylaxie était de 6 mois ; la moitié des cas concernait des garçons. Peu de nourrissons avaient des antécédents familiaux d'allergie ou un antécédent personnel d'allergie alimentaire.

Chez les enfants qui avaient déjà présenté une allergie alimentaire au préalable, celle-ci était le plus souvent liée aux protéines de lait de vache. « Dans près de 50 % des cas, l'anaphylaxie au lait de vache était survenue au moment du sevrage de lait maternel. Il s'agit donc d'une période à risque d'allergie », note le Dr Pouessel. D'autres données issues du registre européen des cas d'anaphylaxie – qui recense 1 970 cas d'anaphylaxie pédiatrique dans 90 centres de 10 pays dont la France montrent que le lait de vache et l'œuf sont les deux allergènes les plus impliqués chez le tout-petit.

Adrénaline : des dosages inadaptés aux nourrissons

L'adrénaline par voie intramusculaire est le traitement de référence de l'anaphylaxie. « Malheureusement, chez le nourrisson, les retards diagnostics sont nombreux et certains symptômes - tels que les pleurs et les éruptions cutanées - restent difficiles à interpréter », confie le Dr Pouessel. Face à l'anaphylaxie, les pédiatres ne doivent pas hésiter à utiliser l'adrénaline : ce traitement est bien toléré chez le nourrisson, y compris pour des poids inférieurs à 7,5 kg. « Nous souhaitons que les industriels proposent, à l'avenir, des auto-injecteurs d'adrénaline avec des dosages adaptés aux nourrissons, comme cela est le cas aux États-Unis. Un tel progrès permettra d'améliorer le traitement de l'anaphylaxie chez le tout-petit », conclut le Dr Pouessel.

(1) Samady Ann Allergy Asthma Immunol 2018
(2) Pouessel, Pediatr Allergy Immunol 2018
(3) Pouessel Allergy 2019

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Le Quotidien du médecin: 9745