Obésité de l’enfant

L’avenir en ligne de mire

Publié le 16/12/2013
Article réservé aux abonnés
1389195517482580_IMG_118600_HR.jpg

1389195517482580_IMG_118600_HR.jpg

Entretien avec le Dr Iva Gueorguieva*

LA DÉFINITION du surpoids et de l’obésité chez l’enfant est très différente de celle de l’adulte. Les courbes d’IMC, établies selon les références françaises de 1982 révisées en 1991 sont déjà obsolètes du fait de l’évolution staturo-pondérale de la population. Pour ne pas surestimer l’obésité, on tient compte non seulement du 97e percentile mais aussi du seuil établi par l’International Obesity Task Force (IOTF), dit C 30 (pour cut-off de 30 d’IMC à l’age de 18 ans) ; entre le 97e percentile et le C 30, on considère qu’il s’agit d’un surpoids, au-delà du C 30, d’une obésité.

Contrairement à l’adulte, en fonction de l’âge, un enfant peut être obèse pour un IMC à 19 ou 20. L’IMC est chez lui une notion dynamique ; il augmente les deux premières années pour diminuer ensuite avant le rebond d’adiposité vers 6 ans. On sait qu’un rebond d’adiposité plus précoce est un facteur prédictif de surpoids à l’age adulte. « Un certain nombre de publications montrent l’intérêt des interventions hygiénodiététiques menées à cet âge, où il n’y a pas forcément de surpoids mais un risque d’obésité ultérieure, que seule la surveillance systématique des courbes d’IMC permet d’évaluer. Le changement de couloir d’IMC permet aussi de distinguer un enfant à risque, d’un enfant dont l’IMC est génétiquement un peu plus élevé que la moyenne mais qui reste dans son couloir d’IMC » précise le Dr Iva Gueorguieva (Lille).

Des enfants globalement en bonne santé mais à l’avenir compromis.

À court terme, le retentissement physique est modéré, même en cas d’obésité sévère, l’impact étant essentiellement psychosocial : on estime que 3 enfants sur 4 ont des problèmes d’images de soi sévères et sont victimes de stigmatisation à l’école.

Sur le plan somatique, les conséquences sont essentiellement respiratoires, avec des apnées du sommeil (8 à 20 % des cas) aggravées par le rétrécissement des voies aériennes supérieures. L’obésité ne jouerait pas de rôle dans la genèse de l’asthme, mais expose les enfants asthmatiques à des formes sévères ; par contre on ne rencontre pratiquement pas de syndromes restrictifs. Le retentissement articulaire est principalement fonctionnel : douleurs articulaires à l’effort, déformations type genu valgum ; l’épiphysiolyse de hanche survient pratiquement toujours chez les obèses mais elle est rarissime dans ce contexte. Sur le plan métabolique, on n’observe pratiquement pas en France de diabète de type 2 pédiatriques ; cependant l’insulinorésistance est généralement présente, et témoigne du risque ultérieur de diabète de type 2. L’hypertension artérielle est rare, le bilan lipidique souvent perturbé. À l’adolescence on peut voir des syndromes métaboliques (11 % des cas), en particulier chez les filles, volontiers associés à des troubles menstruels. Les premières règles sont souvent décalées malgré l’absence de retard pubertaire, les cycles sont longs et irréguliers, parfois accompagnés d’hyperandrogénie dans le cadre d’un syndrome des ovaires polykystiques, fréquent mais souvent incomplet. La stéatose hépatique peut être très précoce et concernerait 30 % des obèses, voire 100 % à l’échographie même en l’absence de stéatose hépatique non alcoolique caractérisée (NASH).

Le devenir est assombri par la persistance de l’obésité : 20 à 50 % des enfants et 50 à 70 % des adolescents obèses le resteront à l’âge adulte. Le risque ultérieur d’événements cardiovasculaires est multiplié pratiquement par deux à 60 ans par rapport à la population générale ; et ils sont plus graves. Le risque de développer un diabète après 40 ans est majoré de22 %.

La difficile perte de poids.

Si le surpoids est relativement accessible aux mesures individuelles et collectives de prévention, la prise en charge classique est souvent en échec dans l’obésité sévère. Les traitements médicamenteux n’ont guère progressé. Des essais ont été réalisés avec le topiramate, anorexigène de façon dose-dépendant mais au prix d’effets secondaires importants.

La chirurgie bariatrique est très controversée chez l’adolescent. Le recul est de 20 ans mais portant sur des effectifs limités. En France, un PHRC multicentrique sur ce thème a débuté il y a 6 mois ; des adolescents de 14 ans à 16 ans sont randomisés en pose d’anneau gastrique versus coaching hygiénodiététique. Dans une méta-analyse, la réduction de l’IMC à un an est de 5 à 10 points. La perte pondérale est avec cette technique moins importante qu’après sleeve gastrectomie – pratiquement le double – mais l’anneau gastrique a l’avantage d’être simple à réaliser, avec peu de complications périopératoires. Il est réversible, permet ultérieurement de pratiquer une autre technique. Malgré la moindre perte de poids, son efficacité est similaire sur les comorbidités et, surtout, il n’entraîne pratiquement pas de carences, contrairement aux techniques réduisant l’absorption. À long terme, l’écart pondéral par rapport à un by-pass lorsque l’intervention est parfaitement encadrée, pourrait ne pas être très différent. En revanche, le suivi est plus lourd, avec un risque de dilatation de la poche (20 % à 2 ans). Il le fait contre-indiquer en cas de troubles du comportement alimentaires sévères, ce qui, en pratique limite, ses indications chez les obèses les plus jeunes et les plus sévères. Le by-pass a prouvé son efficacité chez les adolescents très obèses, mais empêche tout geste ultérieur.

* Centre de référence des maladies endocriniennes rares de la croissance, CHRU de Lille


Source : Bilan spécialistes