Une maladie grave qu'il faut savoir évoquer

Le DT2 pédiatrique n'est plus si rare

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Publié le 17/03/2020
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De révélation souvent bruyante par retard de diagnostic, le diabète de type 2 (DT2) de l'enfant est grevé de complications, souvent dès sa révélation. Il doit être pris en charge de façon adaptée.
À la puberté, l'insulinothérapie est indispensable chez la moitié des patients

À la puberté, l'insulinothérapie est indispensable chez la moitié des patients
Crédit photo : phanie

L’émergence puis l’accroissement des cas de diabète de type 2 (DT2) chez l’enfant ont été très nets depuis une vingtaine d’années aux États-Unis, au Canada et en Asie, plus récemment et pour l'instant de façon moins marquée en Europe et en France. Dans les recommandations de 2018 de la Société internationale du diabète de l'enfant et de l’adolescent (Ispad), remises à jour tous les quatre ans, un chapitre spécifique est dédié à la prise en charge du DT2 en population pédiatrique.

En France, l’équipe de diabétologie pédiatrique de l’hôpital universitaire Robert Debré (Paris) collige, depuis la fin des années 1990, les nouveaux cas de DT2, « qui représentent actuellement 11 % des nouveaux cas de diabète de l’adolescent dans notre centre », indique la Dr Élise Bismuth, qui fait partie du service. Les mêmes facteurs de risque qu’outre-atlantique sont retrouvés : le sexe féminin (72 % des cas dans la cohorte Robert Debré suivie de 2004 à 2016), le surpoids/l’obésité le plus souvent dès la petite enfance, la période pubertaire, et l’origine géographique de la famille (certaines ethnies prédisposées). La prévalence est également importante dans nos DOM. « Dans un travail mené à La Réunion, 9 % des nouveaux cas de diabète pédiatrique tous âges confondus étaient des DT2 », rapporte la Dr Bismuth.

Une confusion possible avec le type 1

Le diagnostic de DT2 chez un enfant n’est pas si simple. Il est le plus souvent tardif, la perte de poids lié au syndrome cardinal pouvant être vécue comme positive, et non inquiétante, pour les familles de ces enfants en surpoids ou obèses. De ce fait, les patients sont le plus souvent symptomatiques au diagnostic (2/3 des cas) et 30 % se présentent même en cétose voire acidocétose, ce qui peut faire en premier lieu évoquer un diabète de type 1.

« On recherchera l'auto-immunité bêta pour tout patient au diagnostic », insiste la Dr Bismuth. C'est son absence qui fera évoquer la possibilité d’un diabète plus rare : il faut d'abord éliminer les autres étiologies, notamment un diabète monogénique, avant de retenir le diagnostic de DT2, qui ne dispose pas de marqueur spécifique.

Un arsenal thérapeutique limité

Faire le diagnostic a des implications cliniques directes afin de ne pas laisser inutilement sous insuline, qui n’en a pas forcément besoin. De l’expérience de la Dr Bismuth, en période pubertaire, l'insulinothérapie reste toutefois indispensable chez la moitié des patients initialement et/ou au cours du suivi. En pédiatrie, le recours aux antidiabétiques oraux (ADO) est actuellement limité en France à la metformine avec un échappement plus rapide que chez l’adulte. Le liraglutide a lui été approuvé récemment pour les adolescents aux États-Unis.

Le DT2 révélé à l’âge pédiatrique est une maladie grave et il est souvent nécessaire de lever les fausses croyances des familles, où le DT2 est banalisé. « On sait aujourd'hui, grâce aux données américaines (cohorte Today, données du groupe Search) que le DT2 entraîne des complications (micro-angiopathiques, hypertension artérielle, dyslipidémie, stéatose…) plus précoces et pour des taux d'HbA1c moindres que dans le DT1, indique la Dr Bismuth. Elles sont souvent présentes dès le diagnostic. Il s'agit clairement d'une maladie grave, à cours, moyen, et long terme », conclut la Dr Élise Bismuth.

Exergue : Les complications sont plus précoces et pour des taux d'HbA1c moindres que dans le DT1

Entretien avec la Dr Élise Bismuth, Paris

(1) https://www.ispad.org/page/ISPADGuidelines2018

Dr Isabelle Hoppenot

Source : lequotidiendumedecin.fr