Age et contexte infectieux, deux éléments essentiels

Les boiteries de l’enfant et de l’adolescent

Publié le 16/01/2012
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Crédit photo : BSIP

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Visible et audible

La boiterie est un signe d’examen clinique. Il correspond à une asymétrie du pas visible et audible. Une boiterie indolore n’est pas toujours ressentie par l’enfant. Il existe deux grands types de boiterie. Lors de la boiterie de Trendelenburg, en appui sur le membre pathologique, l’enfant incline le tronc du côté atteint. Elle se voit au mieux au niveau des épaules. La finalité de cette bascule est de diminuer les charges sur l’articulation coxo-fémorale en raccourcissant le bras de levier du poids du corps. Initialement décrite lors des insuffisances des muscles fessiers, elle s’observe avec toutes les pathologies de la hanche. La boiterie d’esquive correspond à une stratégie pour diminuer au maximum la phase d’appui du membre inférieur pathologique. En pratique, différencier ces deux types de boiterie lors de l’observation de la marche de l’enfant permet de choisir d’analyser plus particulièrement la hanche ou le reste du membre inférieur.

Chez l’enfant 

Synovite aiguë transitoire de hanche ou rhume de hanche

Il s’agit d’une pathologie inflammatoire de la membrane synoviale entraînant un épanchement intra-articulaire. La boiterie n’est pas toujours douloureuse ; à l’examen, la hanche est raide surtout en abduction et rotation interne. L’enfant est apyrétique ou subfébrile (fièvre inférieure à 38,5 °C) mais cet épisode survient souvent une semaine à dix jours après une infection rhino-pharyngée. Le diagnostic de synovite aiguë transitoire est un diagnostic d’élimination. La possibilité d’une arthrite ou d’une ostéomyélite doit rester à l’esprit.

La radiographie de bassin de face et un profil de Lauenstein retrouvent les signes indirects d’épanchement intra-articulaire : refoulement des liserés graisseux, moindre abduction du côté atteint. Elle est indispensable pour éliminer d’autres diagnostics comme l’ostéochondrite de hanche, une éventuelle tumeur.

L’échographie de hanche confirme simplement l’épanchement intra-articulaire et n’en précise pas la nature (liquide d’origine inflammatoire ou infectieuse). Elle n’est pas indispensable.

Le bilan biologique retrouve le plus souvent un discret syndrome inflammatoire.

Le traitement consiste à mettre la hanche au repos de manière à favoriser la résorption de l’épanchement, pour une durée de 5 à 7 jours. Les antalgiques et les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont utilisés.

Si la raideur de hanche ou la douleur sont majeures, la mise en traction soulagera rapidement l’enfant. La ponction de hanche, faite au bloc opératoire sous anesthésie générale, est indiquée dans deux circonstances : lorsqu’on garde un doute sur une arthrite septique, ou lorsque la hanche est très douloureuse ; la décompression de la cavité articulaire aura un effet antalgique immédiat. S’il s’agit d’une arthrite septique, le traitement est médical (antibiothérapie intraveineuse) et chirurgical (nettoyage drainage). C’est une urgence du fait du risque septicémique et de séquelles fonctionnelles ultérieures, qui dépendent directement du retard diagnostique.

Il est de règle de revoir ces enfants quatre à six semaines après cet épisode avec une radiographie des hanches pour éliminer une ostéochondrite débutante.

Ostéochondrite primitive de hanche ou maladie de Legg-Perthes-calvé

Il s’agit d’une nécrose ischémique d’une partie ou de la totalité de la tête fémorale à la suite d’une thrombose d’une des branches terminales de l’artère circonflexe postérieure. Trois phases se succèdent sur une période de deux ans : nécrose osseuse, détersion de celle-ci puis reconstruction. Elle touche surtout les garçons (80 %) et est bilatérale dans 15 % des cas.

La boiterie évolue souvent depuis plusieurs semaines, de manière épisodique. L’examen clinique retrouve une diminution des amplitudes et une douleur en abduction et rotation interne. Contrairement à ce que laisse penser le suffixe « ite » dans ostéochondrite, il ne s’agit pas d’une pathologie inflammatoire. Les examens biologiques sont strictement normaux et inutiles.

La radiographie de bassin de face avec incidence de Lauenstein est le seul examen indispensable. Dans les semaines qui suivent l’accident ischémique, la radiographie est normale. Le premier signe radiologique est la fracture sous-chondrale avec image en coup d’ongle. Par la suite, l’ostéocondensation correspondant à la nécrose apparaît. Différentes images apparaissent ultérieurement selon l’évolution de la maladie (détersion, reconstruction, cicatrisation).

La scintigraphie au Technetium 99 ou l’IRM ont pour seul intérêt de faire le diagnostic plus précocement que la radiographie. Ceci n’a pas d’incidence thérapeutique et ne nous paraît donc pas justifié.

Dans tous les cas, la cicatrisation va se faire avec le temps. Les traitements utilisés n’ont pas de prise sur la durée de l’évolution de la maladie mais se bornent simplement à mettre l’épiphyse fémorale supérieure dans les meilleures conditions possibles lors de sa reconstruction. Les modalités thérapeutiques sont très nombreuses et encore largement discutés (repos articulaire, appareils de mise en décharge, interventions chirurgicales). Elles relèvent des compétences de l’orthopédiste pédiatre.

Chez l’adolescent : épiphysiolyse fémorale supérieure

Il s’agit d’une maladie locale du cartilage de croissance. L’épiphyse fémorale supérieure glisse progressivement en bas et en arrière par rapport à la métaphyse. Ce déplacement explique le défaut de rotation interne et la démarche en rotation externe du côté atteint. La boiterie évolue souvent depuis plusieurs semaines, s’associant à des douleurs de la hanche ou du genou (douleur projetée). Elle survient le plus souvent chez des garçons obèses de morphotype adiposo-génital. Parfois, le déplacement se complète de manière aiguë, se présentant alors comme une fracture du col fémoral.

La radiographie de bassin de face et de profil suffit pour faire le diagnostic, mais dans les formes peu évoluées, la lecture des clichés doit être très attentive. Sur la radiographie de face : il existe une inégalité de hauteur des épiphyses fémorales, un aspect plus élargi, feuilleté du cartilage de croissance. On trace la ligne de Klein qui est tangentielle au bord supérieur du col : elle coupe la tête fémorale de façon bilatérale et symétrique. En cas d’épiphysiolyse, la portion épiphysaire sus-jacente à la ligne de Klein est moins importante du côté atteint. Sur l’incidence de Lauenstein, le glissement est beaucoup plus facile à voir. Parfois, le déplacement est beaucoup plus important.

Au moindre doute sur une épiphysiolyse, l’appui est formellement contre-indiqué et une confirmation diagnostique doit être obtenue le plus rapidement possible. Le risque est un glissement survenant de manière aiguë, véritablement comme une fracture, entraînant un étirement voire un arrachement des vaisseaux nourriciers de l’épiphyse fémorale supérieure, une ischémie de celle-ci puis une nécrose.

Le traitement est uniquement chirurgical. L’épiphyse est vissée au col sans réduction du déplacement en percutanée le plus souvent, si le déplacement est peu important. La fréquence élevée des formes bilatérales fait que certaines équipes font une fixation controlatérale préventive. Le cartilage de croissance va alors fusionner. La fixation supprime très rapidement les douleurs.

A tous les âges

Certaines pathologies surviennent à tous les âges et sont à évoquer systématiquement.

- Les tumeurs malignes d’origine osseuse sont suspectées facilement sur radiographie simple. Chez les petits, il s’agit en premier lieu de métastases osseuses d’un neuroblastome, chez les plus grands, d’un ostéosarcome ou d’un sarcome d’Ewing. Les localisations osseuses des hémopathies sont beaucoup plus difficiles à détecter.

- Les tumeurs bénignes telles que l’ostéome ostéoïde (douleur nocturne, bien soulagée par l’aspirine) sont plus fréquentes, souvent visibles à la simple radiographie.

- Une pathologie inflammatoire (arthrite chronique juvénile…), bien que rare, est à rechercher. L’existence de signes inflammatoires locaux, de pics fébriles isolés survenant quotidiennement à la même heure est évocatrice. Le bilan biologique, la présence d’anticorps spécifiques (anticorps anti-dnp, facteurs antinucléaires), d’une uvéite antérieure à l’examen à la lampe à fente confirme le diagnostic.

Beaucoup plus rarement, la boiterie est l’occasion de découvrir une pathologie neuromusculaire (hémiplégie cérébrale infantile, myopathie, neuropathie…).

Les pièges

Les pièges sont nombreux lorsqu’on reçoit un enfant non fébrile qui boite. L’âge auquel survient cette boiterie est essentiel à prendre en compte dans la réflexion diagnostique. Trop souvent, nous n’aboutissons pas à un diagnostic précis après un examen clinique, une radiographie standard, un bilan biologique simple. Il ne faut pas se lancer pour autant dans des bilans compliqués sans avoir réexaminé l’enfant quelques jours plus tard. Fréquemment, les choses sont rentrées dans l’ordre. Il ne faut donc pas hésiter à revoir l’enfant comme à demander avis et conseils.

Bibliographie

J. Lechevallier, S. Abuamara, V.Cunin. Les anomalies de la marche avant l’âge de 5 ans. In : Du symptôme au diagnostic. Sous la direction de Ch. Bonnard, H. Bracq. Collection de Monographie du groupe d’étude en orthopédie pédiatrique. Sauramps medical Montpellier 2000.

J. P. Cahuzac. Les boiteries entre 5 et 15 ans. In : Du symptôme au diagnostic. Sous la direction de Ch. Bonnard, H. Bracq. Collection de Monographie du groupe d’étude en orthopédie pédiatrique. Sauramps medical Montpellier 2000.

Carlioz H, Seringe R. Orthopédie du nouveau-né à l’adolescent. Masson – Paris – 2002.

 Dr PIERRE MARY Service d’orthopédie et de chirurgie réparatrice de l’enfant Hôpital d’enfants A. Trousseau, Paris

Source : Le Quotidien du Médecin: 9066