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Dossier

Asthme de l'enfant

Les corticoïdes inhalés à la demande en débat

Par Bénédicte Gatin - Publié le 20/05/2016
Les corticoïdes inhalés à la demande en débat

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MARK CLARKE/SPL/PHANIE

Alors que leur spécialité est en cours de reconnaissance, les allergologues, réunis en congrès à Paris, ont passé en revue tous les aspects de l’asthme, notamment les difficultés d’observance et les craintes attachées à la corticothérapie inhalée.

Chez l’enfant comme chez l’adulte, les corticoïdes inhalés en continu constituent la pierre angulaire du traitement de fond de l’asthme persistant léger. Cependant, ces dernières années, une nouvelle approche de traitement à la demande est apparue dans le but de réduire la quantité de corticoïdes inhalés (CI), de limiter les éventuels effets indésirables et d’améliorer l’adhérence au traitement.

La corticophobie de certains parents, les difficultés d’observance inhérentes à la maladie asthmatique et la périodicité des symptômes ont, en effet, conduit certains auteurs à considérer la corticothérapie inhalée « à la demande » comme une alternative potentielle au traitement continu et à évoquer la possibilité de fenêtres thérapeutiques - lors des grandes vacances, par exemple - pour augmenter l’observance ultérieure.

 

Des interruptions de traitement fréquentes


Déjà en pratique, « certains enfants ne reçoivent qu’un traitement intermittent, les interruptions sont fréquentes, et certains médecins eux-mêmes ne prescrivent les corticoïdes inhalés qu’en cas d’exacerbation », observe le Dr Ania Carsin (hôpital de la Timone Enfant, Marseille) qui intervenait sur ce sujet lors du récent Congrès francophone d’allergologie (Paris, 19-22 avril 2016).

 

Les interruptions de traitements sont particulièrement courantes lors des vacances estivales, la symptomatologie ayant tendance à s’améliorer au cours de cette période. « Cette interruption estivale pourrait être responsable des exacerbations du mois de septembre », prévient le Dr Ania Carsin. La rentrée est en effet connue pour être une période à risque pour les jeunes asthmatiques avec un pic du nombre de passages aux urgences et d’hospitalisations pour asthme deux semaines après la rentrée selon l’InVS. Si les infections virales, notamment à rhinovirus, sont généralement incriminées, les arrêts de traitements sont aussi de plus en plus pointés du doigt.

Au-delà de ces observations, plusieurs études ont tenté d’évaluer l’impact de ces fenêtres thérapeutiques sur l’asthme de l’enfant. Une métanalyse (Rank MA et al. J Allergy Clin Immunol 2013 ; 131 : 724-9) menée chez des patients asthmatiques âgés de plus de 6 ans traités initialement par de faibles doses de corticoïdes inhalés en continu montre qu’un arrêt de traitement est associé dans 25 % des cas à la survenue d’une exacerbation dans les 6 mois suivant l’arrêt. Ainsi, l’interruption volontaire des corticoïdes inhalés pendant la période estivale par exemple « est déconseillée », estime le Dr Ania Carsin.

 

Le traitement intermittent, mieux que rien ?


Le traitement intermittent avec recours aux corticoïdes inhalés à la demande, en fonction de la symptomatologie est-il davantage convaincant ? Le sujet fait débat. Pour certains spécialistes, cette approche suffirait à obtenir un contrôle satisfaisant de l’asthme au prix d’un nombre très limité de jours symptomatiques. Mais là encore la littérature tend à modérer les ardeurs. Une revue Cochrane (Chauban BF et al. Cochrane Database Syst Rev 2013 ; 2) regroupant 4 études, soit 828 enfants asthmatiques, montre en effet que ceux traités en continu par CI présentent un meilleur contrôle de l’asthme que ceux traités à la demande avec davantage de jour sans symptômes et une moindre consommation de bêta2 mimétiques.

 

Les auteurs rapportent également une fraction de NO exhalée plus basse dans le groupe traitement continu, suggérant un état d’inflammation plus faible. En revanche, ils n’observent aucune différence entre les deux types de traitement sur le nombre d’exacerbations nécessitant le recours à une corticothérapie orale, sur le plan de la qualité de vie, ni en termes d’effets secondaires ; seul un effet plus marqué sur la taille (-0,41 cm) a été noté en cas de traitement continu vs intermittent. Au total, « l’analyse globale de cette méta-analyse plaide donc en faveur du traitement au long cours par rapport au traitement à la demande », résume le Dr Carsin.

Néanmoins, le traitement intermittent par CI fait mieux qu'aucun traitement comme le suggère une revue Cochrane de 2015 (Chong J et al. Cochrane Database Syt Rev 2013 ; 2) avec, dans ce travail, une diminution du risque d'exacerbation chez les jeunes patients prenant un traitement de recours par CI dès le début des symptômes.

 

Pas d'excès de zèle


Dans le même ordre d'idée, faut-il intensifier les doses en cas d’exacerbations comme le pratiquent certains ? Chez l’adulte, les données disponibles suggèrent que le fait de multiplier par 4 la posologie de CI en cas d’exacerbation pourrait être bénéfique. En revanche, chez l’enfant, l’excès de zèle ne semble pas forcément payant. Selon une revue de la littérature de 2010 (Quon BS et al. Cochrane Database Syst rev 2010 ; 12), l’intensification des doses en cas d’exacerbations n’apporte aucun bénéfice sur celles-ci et ne permet pas de réduire le recours aux corticoïdes oraux. « Il n’est donc pas recommandé de doubler la dose de CI lors d’une exacerbation. »

 

L’intensification « préventive » du traitement - voire l’adjonction de montélukast - afin d’améliorer le contrôle de l’asthme avant une période à plus grands risques  pourrait être davantage bénéfique, mais ces approches restent à évaluer.

En attendant, selon les connaissances actuelles, « la corticothérapie à faible dose au long cours reste le traitement de référence de l’asthme persistant léger chez l’enfant » et l’utilisation d’une corticothérapie intermittente n’est pas recommandée.


 

Dossier réalisé par Bénédicte Gatin