Supplémentation périconceptionnelle

Les folates préviennent aussi un retard du langage

Publié le 12/10/2011
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C’EST UN BÉNÉFICE secondaire méconnu de la supplémentation en folates au cours de la grossesse que vient de montrer une équipe internationale, Christine Roth (Oslo, Norvège) et coll. Il s’agit, outre la prévention du spina-bifida, de celle d’un retard sévère du langage à 36 mois, autre aspect du développement neurologique de l’enfant.

L’étude MoBa (acronyme de son intitulé norvégien) avait pour objectif d’estimer l’association entre la supplémentation périconceptionnelle en acide folique et le risque de retard sévère du langage à l’âge de trois ans. La Norvège se prêtait particulièrement bien à cette investigation dans la mesure où la supplémentation des aliments n’y existe pas, contrairement à ce qui se passe dans de nombreux pays.

Entre 1999 et décembre 2008, 108 841 femmes enceintes ont été enrôlées, de façon prospective. Les mamans qui le souhaitaient pouvaient répondre à un questionnaire lorsque leur enfant avait 3 ans. Ce qui a procuré des résultats jusqu’en 2010, pour des naissances avant 2008. Le taux de participation a été de 38,5 %. Étaient prises en compte les supplémentations en acide folique allant de quatre semaines avant la conception à huit semaines après.

Les mamans évaluaient elles-mêmes l’aptitude de leur enfant, à partir d’une échelle grammaticale à six points. Était considéré comme ayant un retard sévère tout enfant avec un langage minimaliste, c’est-à-dire des phrases à un seul mot ou inintelligibles.

Des suppléments, sauf de l’acide folique.

Parmi les 38 954 nourrissons analysés, 204 (0,5 %) étaient considérés à retard sévère. Le taux de référence était les mamans qui n’avaient pas de supplément, soit 9 052 femmes (24 %), avec 81 de leurs rejetons concernés, soit 0,9 %. Les autres participantes ont été séparées en trois groupes. Le premier concernait les futures mères qui avaient pris des suppléments, sauf de l’acide folique, elles étaient 2 480 (6,6 %) et ont eu 22 enfants touchés (0,9 %), OR : 1,04. Le second groupe comportait des femmes supplémentées uniquement en acide folique, soit 7 127 participantes (18,9 %) avec 28 enfants touchés (0,4 %), OR : 0,55. Le dernier groupe associait toutes les supplémentations, soit 19 005 futures mères (50,5 %) avec 73 bébés concernés (0,4 %), OR : 0,55.

Les données chiffrées parlent d’elles-mêmes, la supplémentation en acide folique réduit le risque de retard sévère du langage. Les auteurs ajoutent s’être intéressé aux habiletés motrices des enfants. Comme ils n’ont enregistré aucun retard en ce domaine, quel que soit le statut en folate, il existe bien une spécificité entre la supplémentation et l’absence de perturbation de la parole.

Christine Roth et coll. jugent que leur travail possède au moins deux critères de fiabilité. Tout d’abord il a été réalisé sur le mode prospectif avec un suivi des femmes dès la 17e semaine de grossesse. Ensuite, l’enquête a été menée dans un seul pays, où les aliments ne sont pas supplémentés. Ils admettent, en revanche, ne pas pouvoir établir comment l’acide folique intervient au niveau de la parole. Ils évoquent simplement une action de cette vitamine sur la compensation de mécanismes épigénétiques délétères pour le processus neurodéveloppemental. Une voie de recherche est ouverte par cette étude, qui confirme la nécessité d’une supplémentation en acide folique chez les femmes susceptibles de porter un enfant.

JAMA, vol 306, n° 14, pp. 1566-1573.

 Dr GUY BENZADON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9023