LES HÉMANGIOMES sont les tumeurs les plus fréquentes de l’enfant, elles présentent une évolution triphasique caractéristique : une phase proliférative débutant dans les premières semaines de vie jusqu’à 8 à 12 mois, une phase de stabilisation, puis une phase de régression. Dans 70 % des cas, l’hémangiome a disparu avant l’âge de 7 ans.
On estime que 4 à 5 % des enfants présentent un hémangiome, mais, dans la plupart des cas, aucun traitement n’est nécessaire. Ce sont seulement entre 10 et 15 % de ces petits patients qui ont besoin d’un traitement, en raison d’un risque de détresse respiratoire en cas de localisation glottique ou trachéale, de séquelles fonctionnelles dans les localisations péri-orificielles et/ou esthétiques.
Les hémangiomes capillaires infantiles problématiques sont habituellement traités, en première intention, par corticothérapie générale ou intralésionnelle. Malgré des doses élevées, la stabilisation ou la régression de l’hémangiome n’est obtenue que dans deux tiers des cas, explique le Dr Léauté-Labrèze. En cas d’échec, on peut avoir recours à l’interféron alpha ou à la vincristine, qui sont efficaces, mais agissent lentement sur le volume tumoral et présentent des effets neuro et hématotoxiques. D’où l’intérêt d’une alternative thérapeutique.
Une belle histoire.
L’efficacité du propranolol a été mise en évidence « par hasard ». L’équipe bordelaise suivait un nourrisson traité par corticothérapie générale pour un hémangiome de la pyramide nasale. À l’âge de 4 mois, un traitement par propranolol lui a été prescrit en raison d’une myocardiopathie hypertrophique induite par la corticothérapie, et « de manière quasi immédiate, nous avons observé un changement de couleur et un affaissement de son hémangiome, seulement partiellement contrôlé jusqu’alors par la corticothérapie générale », raconte le Dr Léauté-Labrèze. La corticothérapie a été arrêtée après deux mois sous bêtabloquant sans augmentation du volume de l’hémangiome.
Cette observation a conduit l’équipe bordelaise à traiter d’autres nourrissons ayant des hémangiomes corticorésistants, confirmant ainsi l’efficacité de cette approche. La première série de 11 enfants traités a été publiée dans une lettre au « New England Journal of Medicine » en 2008 (1). Le suivi de cette cohorte a ensuite fait l’objet d’une publication dans « Pediatrics » (2). Ce traitement a été en parallèle proposé par d’autres centres prenant en charge des hémangiomes.
À doses thérapeutiques, de 0,5 à 4 mg/kg/j, la tolérance du propranolol est très bonne chez le nourrisson. « Il faut néanmoins s’assurer qu’il n’y a pas de contre-indication à la prise de bêtabloquants et une consultation de cardiologie pédiatrique avec un ECG pour éliminer un bloc auriculo-ventriculaire s’impose avant la mise en route du traitement », précise le Dr Léauté-Labrèze. Celle-ci doit se faire en milieu pédiatrique avec surveillance de la fréquence cardiaque, de la tension artérielle et de la glycémie. Le traitement est ensuite administré en ambulatoire sous forme de gélules préparées par la pharmacie, car nous ne disposons pas à ce jour de forme pédiatrique de propranolol.
Actuellement, la décision thérapeutique se fait au cas par cas, en fonction de la sévérité de l’hémangiome et de la réponse à la corticothérapie. Les patients doivent bénéficier d’une surveillance clinique, notamment pour repérer un bronchospasme. À noter que certains enfants présentent, sous bêtabloquant, des petits troubles du comportement et des cauchemars, signale le Dr Léauté-Labrèze.
Un essai contre placebo.
L’étude internationale multicentrique de phase II-III, dont le Dr Léauté-Labrèze est la principale investigatrice, devrait permettre de confirmer la place du propranolol, comme traitement alternatif à la corticothérapie en cas d’hémangiome sévère. Cet essai va comparer deux doses de propranolol (1 et 3 mg/kg/j) sur deux périodes (3 et 6 mois) et un placebo chez des enfants présentant un hémangiome du visage non menaçant sur le plan vital ou fonctionnel. Cette étude, qui a reçu l’aval de l’EMEA et de la FDA, impliquera des centres en France, en Italie, en Allemagne et en Espagne, ainsi qu’aux États-Unis et au Canada. Les résultats sont attendus d’ici 18 mois à deux ans.
D’après un entretien avec le Dr Christine Léauté-Labrèze, unité de dermatologie pédiatrique, groupe hospitalier Pellegrin-Enfants, CHU de Bordeaux
(1) C. Léauté-Labrèze et coll. New Engl J Med 2008 ; 358 : 2650-1
(2) V. Sans et coll. Pediatrics 2009 ; e423-e431
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