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On peut faire mieux pour les troubles attentionnels

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Publié le 09/02/2024
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Avec 5 à 5,5 % d’enfants et 2 à 3 % des adultes concernés, le trouble attentionnel est de loin le trouble du neurodéveloppement le plus fréquent. Sa prise en charge est un véritable enjeu sociétal.

25 % des délinquants incarcérés relèvent d’un diagnostic de TDAH qui n’a pas été fait

25 % des délinquants incarcérés relèvent d’un diagnostic de TDAH qui n’a pas été fait
Crédit photo : BURGER/PHANIE

« D’origine neurodéveloppementale, le trouble déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) est présent durant toute la vie. Cependant, il est possible d’agir sur la capacité d’adaptation de la personne ; encore faut-il le faire précocement car, à partir de l’adolescence, les conséquences se voient déjà sur le plan social : grossesses précoces, addictions aux substances, opposition, altération des conduites (parmi les jeunes hommes incarcérés pour des délits, 25 % relèvent d’un diagnostic de TDAH qui n’a pas été fait). C’est d’autant plus désolant qu’en intervenant tôt, il est possible de remettre les trajectoires sociales et développementales de ces jeunes sur des rails satisfaisants », indique le Dr Thiébaut-Noël Willig, pédiatre à Toulouse et président de l’association Occitadys, née en 2018 pour promouvoir, encadrer et soutenir les pratiques des professionnels concernés par les troubles spécifiques du neurodéveloppement et des apprentissages dans le territoire Occitanie.

Quand y penser ?

Les composantes de l’hyperactivité et de l’impulsivité, fréquentes durant la petite enfance, tendent à se réduire avec le temps. « Elles sont bien repérées à l’école (primaire et collègue) en raison des altérations du comportement qu’elles génèrent (classe perturbée), alors que l’inattention ne l’est pas toujours, bien qu’elle retentisse fortement sur les apprentissages de l’enfant », souligne le Dr Willig.

Selon la DSM-5 révisée ou la CIM-11, il faut six des neuf critères majeurs pour l’inattention et/ou l’hyperactivité/impulsivité pour valider le diagnostic. Ce dernier repose sur un interrogatoire systématique et une anamnèse approfondie. Les signes doivent persister depuis plus de six mois, survenir dans plusieurs environnements (maison, école, etc.) et entraîner un retentissement important sur l’adaptabilité, les conditions de vie de l’enfant, ses relations avec ses pairs, avec ses parents, les enseignants et les capacités d’apprentissage.

Le médecin peut s’aider d’outils gratuits et faciles d’utilisation comme le Snap IV (1) pour s’assurer que les critères sont bien validés. L’examen clinique doit être complet, systématique, incluant la recherche de signes cutanés, morphologiques et la vérification de la vision et de l’audition.

Les causes sont plurifactorielles : « Outre la famille, l’environnement peut moduler le degré des symptômes. Notamment, un style éducatif permissif, très inconstant, très peu prévisible ; raison pour laquelle une partie des soins repose sur la mise en place de programmes de travail d’habilité parentale (groupes de Barkley par exemple), qui permettent aux parents d’apprendre les stratégies éducatives des bons comportements, avec des renforcements positifs », indique le Dr Willig.

Une fois le diagnostic posé, l’enfant doit être dirigé vers un médecin formé aux troubles du neurodéveloppement : médecin généraliste, pédiatre de deuxième recours ou pédopsychiatre, qui vont aussi rechercher les troubles associés au TDAH. « Leur inventaire est essentiel afin de prioriser les actions à mener, souligne le Dr Willig. À partir du moment où l’enfant est bien évalué, que l’on met en place les aménagements scolaires, les programmes parentaux, les remédiations cognitives et, si besoin, les traitements médicamenteux, le bénéfice est massif pour ces enfants qui récupèrent le plus souvent une bonne trajectoire. »

Le bénéfice de la prise en charge est massif

Dr Thiébaut-Noël Willig

Une expérience unique en Occitanie

« En 2018, l’ARS Occitanie et la Sécurité sociale nous ont demandé de lancer une expérimentation innovante pour tester et valider l’organisation des soins à l’échelle d’une région de six millions d’habitants : le parcours TSLA Occitanie (2) », raconte le Dr Willig. L’objectif était de donner accès, dans un délai de deux à quatre mois, à des enfants de 6 ans ou plus, à un diagnostic pour un trouble du développement, qu’il soit simple ou complexe. Des généralistes ont été formés et placés au cœur du développement de ce dispositif en tant que médecins de premier recours, pouvant prescrire le bilan et son financement pour des troubles simples par un psychomotricien ou un ergothérapeute, en plus des bilans et rééducations des orthophonistes et orthoptistes.

Un maillage territorial a été réalisé dans les 13 départements de la région Occitanie pour des centres pluridisciplinaires de deuxième recours, coordonnés par un médecin spécialisé sur les troubles du neurodéveloppement, avec une équipe d’orthophonistes, psychomotriciens, orthoptistes, ergothérapeutes, psychologues, voire des enseignants spécialisés.

« Tous les enfants suspects de TDAH ont été reçus par un médecin en premier ou deuxième recours. Les enfants en deuxième recours ont aussi bénéficié d’une réunion de concertation pluriprofessionnelle. Tous ont eu une consultation de restitution du médecin et de suivi un an après. Bilans et rééducations ont été financés par l’Assurance-maladie avec un zéro reste à charge pour les familles : plus de 7 000 enfants en ont bénéficié, preuve de la faisabilité de cette expérimentation, qui pourrait se généraliser au niveau national », espère le Dr Willig.

(1) afpa.org/outil/outil-de-depistage-tdah-premier-recours

(2) occitadys.fr/tsla/accueil-tsla

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du Médecin