Pour un dépistage plus précoce de l’autisme

Savoir repérer les signes d’alerte

Publié le 25/03/2010
Article réservé aux abonnés

À L’OCCASION de la journée mondiale de l’autisme le 2 avril, Autisme France et Autistes sans frontières publient un sondage réalisé en miroir auprès du grand public et des médecins sur leur connaissance de cette pathologie. Certes, l’échantillon de médecins interrogés peut être considéré comme limité : 200 médecins ont répondu au questionnaire téléphonique, 100 généralistes et 100 pédiatres. Mais « quand la tendance est aussi marquée, même sur une petite population, elle est forcément révélatrice d’une réalité », estime le Dr Nadia Chabanne, responsable de l’unité des troubles du développement à l’hôpital Robert Debré, dans l’un des centres experts de Paris pour le diagnostic de l’autisme. Elle qui assure des formations pour les professionnels de santé ne peut que constater un état de fait : deux heures seulement sont consacrées à l’autisme dans la formation initiale, « et encore faudrait-il que cet enseignement soit réactualisé au vu des connaissances internationales ! ». Certes des choses ont tout de même progressé, ces 8-10 dernières années avec notamment le premierplan Autisme, qui a permis la création de centres ressources dans chaque région. « Mais il y a encore de nombreux pédopsychiatres qui ne sont pas au fait des données récentes. »

Trouble neurodéveloppemental.

Parmi les médecins interrogés, 30 % estiment à juste titre qu’un autiste est un enfant atteint d’un trouble neurologique. Même s’il s’agit plus exactement d’un « trouble neurodéveloppemental », précise le Dr Chabanne. Mais près de 30 % également pensent encore que les autistes sont des malades mentaux, psychotiques (pour 23 % des sondés) ou schizophrènes (6 %). Pourtant, dans leur grande majorité (90 %), les médecins ont le sentiment de connaître au moins l’un des signes de l’autisme chez l’enfant. Spontanément, ils citent des difficultés à communiquer (87 %) puis les troubles du comportement (balancements, agitation) pour 29 % ; 17 % évoquent encore des anomalies au niveau du regard (qu’il soit fixe, fuyant ou absent) et 9 % l’asociabilité.

L’écart le plus important entre croyance et réalité concerne le nombre d’enfants atteints en France. En effet, 64 % des médecins estiment que l’autisme touche 1 enfant sur 1 500 et 30 % 1 sur 15 000 quand la prévalence est en réalité de 1 sur 150. Seulement 6 % des médecins ont su donner cette bonne réponse. « Une méconnaissance très symptomatique de la non-prise en compte du phénomène dans notre pays », analyse France Autisme.

En revanche, les praticiens visent plutôt juste quant à l’âge du premier diagnostic médical possible : 79 % savent qu’il est possible de repérer un autisme chez un enfant âgé de 2 à 3 ans. Seulement 2 % croient que l’enfant doit avoir au moins 5-6 ans. « Mais dans les faits, le diagnostic n’est pas posé en raison d’une méconnaissance de l’ensemble des trois grandes familles de symptômes », estiment Autisme France et Autistes sans frontières. Alors qu’il est possible de poser un premier diagnostic d’autisme à partir de 2 ans, le trouble n’est dépisté en moyenne qu’à partir de l’âge de 6 ans, selon le Livre blanc publié par Autisme France. La prévalence de l’autisme est passée de 1 sur 2 000 naissances à 1 sur 150 en dix ans.

Prise en charge précoce.

Qui dit diagnostic précoce dit intervention précoce. En publiant ce sondage, les deux organisations souhaitent alerter les spécialistes de la petite enfance sur les signes spécifiques de repérage d’un trouble autistique qui justifient l’orientation de l’enfant vers une consultation spécialisée. « Au moindre doute, souligne le Dr Chabanne, les médecins doivent avoir le réflexe d’adresser ces enfants vers des structures spécialisées plutôt que de dédramatiser et de laisser faire le temps, qui généralement va dans le mauvais sens. Aujourd’hui, une littérature assez conséquente montre que la présence de l’un des troubles (l’enfant ne répond pas à son nom, il ne sourit pas, il ne regarde pas ses interlocuteurs dans les yeux, il n’a pas accès aux premiers mots des 12 mois...) est très fortement corrélée à l’apparition complète du syndrome quelques années plus tard. Il faut développer des techniques de stimulation pour apprendre à ces enfants à entrer en contact avec autrui et comprendre le monde qui les entoure afin d’éviter que la seule façon pour eux de s’exprimer ne se résume à des cris, des crises de colère, des automutilations. C’est très complexe. Les psychothérapies peuvent se révéler utiles en cas de souffrance mentale, laquelle ne peut être présumée chez les tout petits. Et elles doivent être ciblées, contre une anxiété par exemple. »

Autisme France et Autistes sans frontières lancent ainsi une campagne de dépistage précoce* à travers la presse, un spot télévisé et l’édition d’une brochure destinée aux professionnels de santé ainsi qu’une affiche pour les salles d’attente. De son côté, le « mouvement » Léa pour Samy lance jusqu’au 7 avril une collecte de fonds, sous le nom « Vaincre l’autisme »**.

* www.depistageautisme.com, tél. 04.92.99.28.07.

** www.vaincrelautisme.org

AUDREY BUSSIÈRE

Source : Le Quotidien du Médecin: 8737