Vers un nouveau modèle de prise en charge des enfants

Un rapport de l’Igas pour susciter le débat sur l’avenir de la pédiatrie

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Publié le 03/12/2021
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« L’objectif de ce travail a été avant tout de réaliser un état des lieux des difficultés existantes et de fournir des préconisations visant à améliorer la prise en charge des enfants. Je sais que la parution de ce rapport a suscité des réserves ou des interrogations chez certains pédiatres, en particulier libéraux », indique la Pr Brigitte Chabrol, qui a étroitement collaboré au rapport de l’Igas sur « La pédiatrie et l’organisation des soins de la santé de l’enfant en France ».

Une spécialisation croissante des disciplines médicales

Une spécialisation croissante des disciplines médicales
Crédit photo : phanie

« La réalisation de ce rapport a demandé six mois d’un travail conduit en très bonne intelligence avec les deux inspecteurs de l’Igas, à qui avait été confiée cette mission. Ce travail a été conduit de fin 2020 à début 2021, dans une période évidemment compliquée sur le plan sanitaire. Nous avons mené plus d’une soixantaine d’entretiens en visioconférence. Nous avons fait deux déplacements de terrain, en Pays-de-Loire et en Île-de-France. Nous avons aussi pu échanger avec le vice-ministre de la santé du Québec », explique la Pr Brigitte Chabrol, ancienne présidente du Conseil national professionnel de pédiatrie (2017-2020), qui avait été missionnée par le ministre de la Santé Olivier Véran pour collaborer avec l’Igas pour faire cet état des lieux sur « La pédiatrie et l’organisation des soins de la santé de l’enfant en France ».

Pour la Pr Chabrol, plusieurs grandes lignes peuvent être mises en avant. « Nous sommes aujourd’hui face à une pédiatrie qui devient de plus en plus hospitalière et spécialisée. Tout en gardant toute sa place, la pédiatrie libérale connaît une crise démographique et identitaire. En ambulatoire, on constate également les difficultés de la PMI et de la médecine scolaire. La médecine générale joue un rôle important mais elle souffre d’un déficit de formation spécifique. Un autre enjeu est le lien avec la chirurgie pédiatrique, au sein des hôpitaux publics principalement. Enfin, la crise de la pédopsychiatrie est réelle et a des retentissements parfois importants sur les prises en charge », détaille la Pr Chabrol.

Déficits d’accès aux soins

La pédiatrie libérale connaît, selon l’Igas, un recul démographique important, particulièrement marqué pour les pédiatres de secteur 1. « Actuellement, huit départements connaissent une densité inférieure à un pédiatre pour 100 000 habitants et l’âge moyen des pédiatres libéraux laisse présager une aggravation de la situation, puisque 44 % d’entre eux ont plus de 60 ans. Cette situation pose une question majeure d’accès aux soins pédiatriques pour certaines populations », constate le rapport.

À l’inverse, l’évolution démographique de la pédiatrie hospitalière et de la chirurgie pédiatrique est jugée « plus satisfaisante » par l’Igas. « Leur progression est tirée par la spécialisation croissante des disciplines médicales, qui répond à d’importants enjeux de santé : progrès scientifiques et techniques, augmentation de la fréquence des maladies chroniques, amélioration de la prise en charge des maladies rares, développement de la recherche », note le rapport.

Au total, l’Igas propose de bâtir un nouveau modèle de prise en charge des enfants, en développant tout d’abord l’exercice des infirmières puéricultrices en ville, en particulier en matière de prévention [lire aussi p. 26]. Selon le rapport, il convient aussi de « repositionner les rôles respectifs des médecins généralistes et des pédiatres de ville », en renforçant le rôle de recours et d’expertise des pédiatres et en reconnaissant le rôle des généralistes, parallèlement au renforcement de leur formation dans ce domaine. La mission préconise également de recentrer la pédiatrie hospitalière et la chirurgie pédiatrique sur un rôle de recours et d’améliorer l’attractivité des professions médicales et paramédicales de l’enfant à l’hôpital.

Une nécessaire collaboration

Le rapport a suscité des réactions diverses. « Je crois que toute la profession peut s’accorder sur un certain nombre de constats, notamment la nécessaire collaboration entre généralistes et pédiatres, ou l’intérêt de donner une plus grande place à certains professionnels de santé, en particulier les puéricultrices, dans le domaine de la prévention et du dépistage, souligne la Pr Chabrol. L’objectif de ce travail a été de faire un état des lieux des difficultés existantes et de fournir des préconisations visant à améliorer la prise en charge des enfants. Je sais que le rapport a suscité des réserves ou des interrogations chez certains pédiatres, en particulier libéraux. Et je souhaite que les préconisations de ce rapport puissent aboutir, en y associant tous les professionnels de santé de l’enfant et en particulier les nouvelles générations de pédiatres et de généralistes. Car, finalement, nous avons tous le même objectif : faire en sorte qu’on conserve en France un égal accès sur l’ensemble du territoire à une médecine de l’enfant d’une même qualité ».

Exergue : La pédiatrie libérale connaît une crise démographique et identitaire

Entretien avec la Pr Brigitte Chabrol, ancienne présidente du Conseil national professionnel de pédiatrie (2017-2020)

Antoine Dalat

Source : lequotidiendumedecin.fr