Augmentation importante des consultations

Une rentrée difficile pour les ados

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Publié le 02/12/2022
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La crise sanitaire, les confinements successifs, les événements géopolitiques actuels et, plus globalement, l’atmosphère ambiante, ont des retentissements non négligeables sur la santé somatique et psychique des jeunes. Pour une prise en charge optimale, les professionnels qui les entourent dans le milieu scolaire, en ville et à l’hôpital, devraient travailler main dans la main.
L’éco-anxiété s’ajoute aux problèmes classiques

L’éco-anxiété s’ajoute aux problèmes classiques

« Le recours aux urgences, les consultations chez les médecins généralistes, pédiatres, psychologues et les psychiatres ont largement augmenté depuis deux ans. Les principaux motifs sont les problèmes psychiques (anxiété, dépression, tentatives de suicide), les troubles du comportement alimentaire, les douleurs chroniques fonctionnelles, l’augmentation de l’obésité et, bien sûr, le déséquilibre d’une maladie chronique préexistante », souligne la Pre Chantal Stheneur, pédiatre, médecin de l’adolescent à Paris. À l’hôpital pédiatrique parisien Trousseau par exemple, les consultations pour des douleurs chroniques ont augmenté de 60 %, comparées à la période précédant la crise sanitaire.

En perte de repère, les adolescents doivent également faire face à un problème renforcé par les longues périodes de confinement : l’anxiété sociale. De fait, un certain nombre d’entre eux éprouvent un stress profond. « Ils n’arrivent pas à retourner à l’école. Ils ont tendance à s’isoler, à être moins à l’aise en société. Ils éprouvent également des difficultés à retrouver leur rythme de vie antérieur au Covid. Les deux dernières rentrées l’ont été et celle de 2023 s’annonce difficile pour les adolescents ! », confie la Pre Stheneur.

Un avenir incertain pour tous

La crise sanitaire n’explique pas, à elle seule, le mal-être psychique des jeunes. « On oublie souvent que les adultes vont mal. Les adolescents voient leurs parents essayer de faire bonne figure alors qu’ils sont eux-mêmes stressés. Après la crise du Covid, beaucoup ont changé de vie : ils ont remis en cause leur travail, leur lieu de vie. Les adultes ont moins qu’avant la possibilité de soutenir leurs enfants. Ils sont moins dans une posture de modèle. En conséquence, il est difficile pour un jeune de se construire en constatant que ses parents vont mal », note la Pre Stheneur.

Les problèmes économiques et les incertitudes géopolitiques, largement médiatisés, pèsent sur le moral des jeunes et de leurs parents. L’éco-anxiété est également un phénomène nouveau qui s’ajoute aux problèmes classiques des adolescents. « Les adolescents se soucient de l’avenir de la planète, d’un point de vue environnemental. En fin de compte, il leur reste peu de domaines teintés d’espoirs », confie la Pre Stheneur.

Une coordination nécessaire

Face à ce constat, les professionnels de santé et ceux des secteurs socio-éducatifs ont un rôle à jouer pour accompagner les adolescents, favoriser leur bien-être psychique et somatique. « Toutes les personnes qui entourent les jeunes devraient être conscientes de leur niveau d’anxiété. Il est nécessaire de communiquer sur les sujets qui les préoccupent et leur proposer des rencontres avec des professionnels qui sont à même de les écouter et de les guider : médecins, professeurs, infirmiers scolaires, psychologues, etc. », indique la Pre Stheneur. Autre point important ; tous ces professionnels devraient travailler de façon coordonnée. « Les différents services de l’école (médecins, infirmiers…) devraient être en lien avec le médecin traitant de l’adolescent dès qu’un problème somatique ou psychique est détecté, même si on sait que la pénurie de professionnels est la cause principale du manque de coordination. Ce travail en commun est indispensable pour une prise en charge optimale des jeunes », assure la Pre Stheneur.

Développer une médecine dédiée

Les pouvoirs publics ont également un rôle clé à jouer pour favoriser le bien-être des jeunes. Car ils sont les adultes de demain. « Les responsables politiques devraient investir davantage de moyens en faveur de la santé des adolescents. Car un jeune qui va mal d’un point de vue psychique — et qui n’est pas correctement pris en charge — risque d’abandonner ses études, d’avoir des difficultés d’insertion dans la vie professionnelle et de voir son trouble ou sa pathologie se chroniciser », explique Pre Stheneur. Aujourd’hui, la médecine de l’adolescent est mal reconnue. Ce point pose notamment problème à l’hôpital. « La tarification à l’activité (T2A) complique la prise en charge des adolescents. Car le temps que les soignants passent avec eux n’est pas valorisé. Or, le soin relationnel a une importance majeure dans la prise en charge des jeunes. Récemment, le Comité d’éthique a émis un avis afin que le temps passé avec les patients puisse être mieux reconnu et financé. Nous espérons que des mesures seront prises, à l’avenir, dans ce sens », conclut la Pre Stheneur.

Exergue : « Il est difficile pour un jeune de se construire en constatant que ses parents vont mal »

Entretien avec la Pre Chantal Stheneur, pédiatre, médecin de l’adolescent à Paris

Hélia Hakimi-Prévot

Source : Bilan Spécialiste