Plus d’exacerbations sévères chez des non cardiaques

Attention aux bêtabloquants dans les BPCO sévères

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Publié le 21/02/2020

BPCO et bêta bloquants ne font pas toujours bon ménage. C’est ce que vient confirmer une étude randomisée visant à tester leur intérêt dans la BPCO en absence d’indication cardiaque. L’étude a en effet dû être interrompue précocement pour cause d’augmentation des exacerbations sévères.

Crédit photo : GARO/PHANIE

Les bêtabloquants chez les cardiaques porteurs de BPCO restent sous-utilisés par crainte d’un impact sur la fonction pulmonaire. Néanmoins, la plupart des études épidémiologiques suggèrent que le bénéfice persiste. On a même constaté une réduction des exacerbations. « Dans une métaanalyse de 15 études, les bêtabloquants étaient associés à une réduction de près de 40 % des exacerbations et de 30 % des décès au sein d’une population BPCO majoritairement cardiaque », rappelle dans son éditorial (1) le Pr William MacNee (Université d’Edimbourg, Écosse). Les bêtabloquants pourraient donc être plus largement utiles dans la BPCO, pathologie fréquemment associée à des atteintes cardiaques dont un certain nombre restent méconnues. Pour tester cette hypothèse, une étude randomisée versus placebo a été menée. Elle a du être arrêtée précocement en raison de la survenue d’un excès d’exacerbations sévères dans cette population de BPCO relativement graves, ne relevant pas a priori d’un traitement bêtabloquant (2). Soit un effet inverse à celui escompté.

Pour le Pr MacNee, « ce résultat ne doit pas venir remettre en cause la prescription de bêta bloquant dans les BPCO quand ils sont indiqués pour une pathologie cardiaque. Leur bénéfice risque doit toutefois être soigneusement pesé dans les BPCO très sévères à haut risque d’exacerbation ».

Plus de 500 patients porteurs de BPCO modérée à sévère

Cette étude multicentrique – 26 centres – menée en double aveugle a randomisé plus de 500 patients âgés de 40 à 80 ans présentant une BPCO modérée à sévère avec un haut risque d’exacerbation. Ont été retenus ceux ayant été sous corticoïde oral ou antibiotique pour raison pulmonaire dans l’année (90 % des sujets) et/ou hospitalisés pour exacerbation (60 %) et/ou mis sous oxygénothérapie ambulatoire (40 %).

Les sujets ayant une indication documentée de traitement par bêtabloquant ont été exclus – en particulier en cas d’infarctus ou revascularisation survenu dans les 3 ans ou lors d’insuffisance cardiaque avec FEVG inférieure à 40 %. Les sujets devaient par ailleurs présenter une FC au repos entre 65 et 120 bpm et une PAS supérieure à 100 mmHg.

La dose de métoprolol administrée va de 25 à 100 mg/j, elle a été ajustée sur 5 semaines en fonction de la tolérance. Ces patients ont globalement 65 ans d’âge moyen, un VEMS initial moyen de 41 % et un passif tabagique de 50 paquets-années.

Le critère primaire est le délai avant la première exacerbation. Le taux d’exacerbations, la spirométrie, la dyspnée, la distance parcourue en 6 minutes, la mortalité totale, les hospitalisations toutes causes et la qualité de vie constituaient les critères secondaires.

Un surrisque sur les exacerbations sévères uniquement

L’étude, initiée en 2016, a été interrompue en 2019 lors de la seconde analyse intérimaire. Le critère primaire ne semblait pas pouvoir être atteint et les effets secondaires étaient préoccupants.

À l’issue de ce suivi, il n’y a pas en effet de différence entre les groupes en termes de délai avant la première exacerbation : 202 jours sous métoprolol versus 222 jours sous placebo. Le métoprolol n’est pas associé à un surrisque global d’exacerbation, dont la fréquence dans cette population est autour de 1,4 patient-année. Toutefois, on observe sous métoprolol un excès d’exacerbations ayant nécessité une hospitalisation qu’elles soient sévères (RR = 1,5) ou très sévères (RR = 3,7), même si ce surrisque n’atteint pas la significativité. Sans atteindre non plus la significativité, on observe un excès de décès, peut être dû au hasard, dans le bras métoprolol (11 décès dont 7 par BPCO versus 1 décès par BPCO).

Une sécurité relative avec un signal faible à prendre en compte

Pour les auteurs de cet essai, l’étude ne met pas en évidence de nette détérioration de la fonction pulmonaire sous bêtabloquant dans la BPCO. Néanmoins le métoprolol est associé à une majoration du score de dyspnée et des symptômes de la BPCO (CODP assement test). Par ailleurs, plus de patients sous métoprolol ont arrêté le traitement (11 % vs 6 %) ce qui pourrait être en lien avec des effets secondaires pulmonaires non captés par la spirométrie. Si bien que l’absence de différence entre les taux d’effets secondaires entre les deux groupes peut être discutée. Enfin, sous métoprolol, les exacerbations ont plus souvent été sévères. C’est pourquoi, selon eux, cet essai ne doit pas remettre en cause les bêtabloquants dans la BPCO quand ils sont indiqués. Mais il ne plaide clairement pas pour un élargissement de leur utilisation.

 

(1) W MacNee. Beta-Blockers in COPD - A Controversy Resolved? Nejm 2019;381:2367-68

(2) MT Dransfield et al. Metoprolol for the Prevention of Acute Exacerbations of COPD. Nejm 2019;381:2304-14

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr