Dr Damien Basille : « PAC : nous proposons de réduire au maximum les traitements qui ne sont pas nécessaires »

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Publié le 27/03/2024
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De nouvelles recommandations pour la prise en charge des pneumonies aiguës communautaires (PAC) sont en cours d’élaboration. Dans le viseur, réduire au maximum les traitements qui ne sont pas nécessaires. Pour cela, les patients sont catégorisés en trois groupes : PAC non grave prise en charge en ambulatoire ; en hospitalier ; pneumonie grave avec choc septique ou détresse respiratoire. Explications du Dr Damien Basille (service de pneumologie, CHU Amiens).

Crédit photo : DR

Les précédentes recommandations sur la prise en charge des pneumopathies aiguës communautaires (PAC) dataient de 2010, d’où la nécessité d’une mise à jour des points connus pour avoir évolué. Les pneumonies survenant sur des terrains particuliers (mucoviscidoses, dilatation des bronches…), les pneumonies d’inhalation, et les pneumonies purement virales sont exclues de l’actualisation qui est en cours de finalisation, et donc en attente de la validation des diverses sociétés savantes impliquées : la Société de pathologie infectieuse de langue française (SPILF), la Société de pneumologie de langue française (SPLF) et les sociétés partenaires comme le Collège national des généralistes enseignants, la société française de médecine d’urgence, la Société française de microbiologie, la Société française de radiologie et la Société de réanimation de langue française.

LE QUOTIDIEN : quels sont les critères diagnostiques positifs retenus pour les PAC ?

Dr Basille : On reste sur la nécessité d’avoir une documentation radiologique, quel que soit le lieu de prise en charge. En ambulatoire, cette documentation doit idéalement être obtenue dans un délai rapide : sous trois jours au maximum à partir du moment où le diagnostic est suspecté, pour pouvoir rediscuter le diagnostic et arrêter l’antibiothérapie instaurée, au cas où l’examen ne serait pas en faveur d’une pneumonie. Pour les patients pris en charge en ambulatoire, l’échographie, lorsqu’elle est réalisée par un praticien formé, est aussi un bon examen diagnostique, et peut donc remplacer la radio thoracique.

En hospitalier, ces mêmes outils (radiographie de thorax ou échographie par un praticien formé) sont recommandés en première intention, le scanner étant plutôt proposé lorsqu’il persiste un doute diagnostique. Il n’y a pas forcément besoin d’un suivi d’imagerie, sauf en cas d’évolution défavorable ou de terrain particulièrement à risque (patients âgés de plus de 50 ans et fumeurs), afin de dépister un éventuel cancer pulmonaire sous-jacent : ce scanner de dépistage est à faire deux à trois mois après l’épisode de pneumonie.

Quid des prélèvements biologiques ?

La place des biomarqueurs comme les CRP, la procalcitonine a été rediscutée : en ambulatoire comme en hospitalier, il n’y a pas d’indication à les pratiquer de façon systématique, que ce soit lors du diagnostic ou pour le suivi de la pneumonie. En effet, leur spécificité est médiocre !

Il n’y a pas non plus d’intérêt à réaliser un prélèvement cytobactériologique des crachats (ECBC) en ambulatoire, ou de test PCR, car le résultat est peu susceptible d’entraîner des modifications du traitement. Par ailleurs, la rentabilité des ECBC réalisés en ville est souvent limitée par les contraintes techniques de traitement de ces prélèvements.

Pour les patients pris en charge en milieu hospitalier en revanche, l’examen cytobactériologique des crachats est utile dans certaines conditions : si le patient est capable de fournir un prélèvement de bonne qualité : expectoration mucopurulente pouvant être acheminée et analysée dans un court délai — sous peine de faux négatif — en l’absence de réponse au traitement de première ligne et, enfin, chez les patients qui ne relèvent pas d’un traitement standard, de par leurs facteurs de risque ou leurs comorbidités (cas du patient auquel est prescrit un antibiotique à très large spectre du fait de la suspicion d’un bacille pyocyanique par exemple). Dans ce cadre, documenter l’infection peut avoir un intérêt pour réduire le spectre de l’antibiotique prescrit.

Les PCR quadriplex virales (grippe A et B, VRS et Sars-CoV-2) sont proposées chez les patients hospitalisés non sévères en période épidémique, afin de pouvoir adapter le traitement et de permettre un isolement des personnes porteuses de virus respiratoires.

Enfin, chez les patients avec une pneumonie grave, la nécessité de réaliser des panels plus élargis peut être discutée, avec des PCR syndromiques permettant la mise en évidence de la majorité des virus responsables de PAC et la détection simultanée de certains pathogènes bactériens.

Qu’en est-il de la prise en charge thérapeutique ?

Par rapport aux précédentes recommandations, les indications d’utilisation des fluoroquinolones ont été réduites en raison des alertes ANSM : elles sont désormais réservées aux cas d’allergies ne permettant pas d’utiliser une autre classe d’antibiotique et dans le cadre des infections très sévères (légionellose grave). Dans le cadre des PAC non graves prises en charge en ambulatoire ou en milieu hospitalier, on privilégie — notamment chez les patients sans comorbidité — un traitement par amoxicilline en première intention ou, chez les patients avec des comorbidités, l’association amoxicilline acide clavulanique, ou une céphalosporine 3G injectable.

Chez les patients non graves suspects d’infection à une bactérie atypique, une monothérapie par un macrolide est proposée en première intention. Dans tous les cas, une réévaluation à 48-72 heure est nécessaire pour s’assurer de l’évolution favorable. Une bithérapie d’emblée, associant une bêtalactamine et un macrolide, est plutôt proposée chez les patients avec une PAC grave et qui sont le plus souvent admis en soins critiques.

Qu’en est-il de la durée des traitements antibiotiques ?

Alors que dans les précédentes recommandations, la durée d’antibiothérapie recommandée était plutôt de 7-10 jours (14 jours pour la légionellose), l’idée est de diminuer la durée des prescriptions. À partir du moment où le patient va mieux, et que les critères de stabilité clinique sont obtenus — température ≤ 37,8 °C, PAS ≥ 90 mmHg, FC ≤ 100 bpm, FR ≤ 24/mn, une SpO2 > 90 % en air ambiant ou une PO2 ≥ 60 mmHg en air ambiant, il est possible d’arrêter l’antibiothérapie à J3. Si les critères de stabilité clinique ne sont pas présents, on refait un point à J5 et, si on ne les a toujours pas, on arrête de toute façon à J7.

À noter que la sécurité d’un traitement de trois jours n’a pas été évaluée chez les patients immunodéprimés, insuffisants respiratoires, insuffisants hépatiques ou rénaux graves : ces traitements ultracourts s’appliquent donc aux patients avec des comorbidités légères.

Enfin, quelle est la place de la corticothérapie ?

Les études récentes ne montrent pas de bénéfices à proposer une corticothérapie chez le patient non grave (en ambulatoire ou en hospitalier) dans le cadre d’une PAC. En revanche, il y a un bénéfice de la corticothérapie par hémisuccinate d’hydrocortisone chez les patients qui ont une pneumonie grave, à partir du moment où ce traitement est introduit précocement, dans les 24 heures qui suivent l’apparition des signes de gravité (et donc pour des patients en soins critiques), avec une dose de 200 mg/jour pendant 4 à 7 jours en fonction de l’amélioration clinique, suivi d’une décroissance pour une durée totale de 8 à 14 jours.

Propos recueillis par la Dr Nathalie Szapiro

Source : lequotidiendumedecin.fr