Une forme non allergique ni inflammatoire

Expérimentalement, la baisse en sphingolipides déclenche un asthme

Publié le 27/05/2013
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« L’ASTHME EST GÉNÉRALEMENT considéré comme une maladie inflammatoire ou une réaction à un allergène. Notre modèle montre que l’asthme peut résulter d’une insuffisance en sphingolipides. Ceci représente une voie complètement nouvelle pour la pathogenèse de l’asthme », déclare dans un communiqué le Pr Stefan Worgall, pneumol-pédiatre au New York-Presbyterian (New-York).

Une maladie hétérogène.

L’asthme est une maladie multigénique cliniquement hétérogène, et sa pathogenèse n’est pas complètement comprise. La notion qu’il existe différentes formes d’asthme s’est imposée après que plusieurs études génomiques d’association aient découvert des variations d’un gène, ORMDL3 (orosomucoid-like 3), dans 20 à 30% des cas d’asthme débutant dans l’enfance.

En 2007, une surproduction de la protéine de ce gène était reliée à l’asthme non allergique de l’enfant, et ce gène représente jusqu’ici le facteur de risque génétique le plus constant identifié pour l’asthme.

En 2010, une etude sur la levure montrait que la protéine ORMDL3 inhibe la synthèse de novo des sphingolipides. Les protéines ORM (dont ORMDL3) inhibent la synthèse des sphingolipides (SL) en agissant sur l’enzyme SPT (sérine palmitoyl-CoA transférase), qui est requise pour la synthèse de novo des SL.

Worgall et coll. ont donc examiné si une diminution de synthèse des sphingolipides pouvait causer l’asthme. Leur étude, publiée dans Science Translational Medicine, démontre que c’est bien le cas dans des modèles murins de l’asthme.

Étude expérimentale.

Ils montrent qu’une diminution de synthèse des sphingolipides dans les poumons, obtenue en administrant un inhibiteur de l’enzyme SPT (myriocine) dans les voies respiratoires de la souris ou chez la souris génétiquement déficiente en SPT, augmente la réactivité bronchique, une caractéristique clé de l’asthme.

Cette hyperréactivite bronchique chez ces souris n’est pas associée a une inflammation.

Les chercheurs ont aussi constaté une baisse de la réponse des voies aériennes au magnésium. Le magnésium intraveineux est souvent utilisé aux urgences dans le traitement de la crise d’asthme sévère de l’adulte pour soulager la bronchoconstriction.

« Nos résultats mettent en évidence pour la première fois un mécanisme permettant d’expliquer comment ORMDL3 est lié à l’asthme. La production des sphingolipides est importante pour la bronchoconstriction,qui est une caractéristique de toutes les formes d’asthme », explique au Quotidien le Pr Stefan Worgall.

Les pistes thérapeutiques.

« Nous entrevoyons au moins deux implications cliniques. D’une part, le fait de cibler la voie de synthèse des sphingolipides pourrait procurer de nouvelles thérapies pour l’asthme. Il pourrait être possible de développer des agents qui activent l’enzyme SPT dans le tissu pulmonaire, afin d’augmenter la production des sphingolipides. La seconde pourrait être une caractérisation des différentes formes de la maladie, afin de mieux utiliser les thérapies existantes comme le magnésium ».

L’équipe évalue maintenant des médicaments ou molécules qui activent la production des SL, pour tester leur potentiel sur la bronchoconstriction. Les chercheurs espèrent également pouvoir quantifier la réduction de la production intracellulaire de sphingolipides chez les certains enfants asthmatiques.

Science Translational Medicine, 22 mai 2013, Worgall et coll.

Dr VÉRONIQUE NGUYEN

Source : Le Quotidien du Médecin: 9245