Haro sur les particules les plus fines

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Publié le 21/11/2022
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L’exposition précoce à la pollution majore le risque d’asthme infantile… oui, mais, alors qu’on mesure usuellement les PM10 et 2,5, il semble que ce risque est essentiellement porté par les PM1, les particules les plus fines.

Si on sait depuis assez longtemps que l’exposition aux particules fines majore le risque d’asthme et de sifflements, mais l’impact des particules les plus fines — les PM1, lire : celles qui mesurent 1 μm ou moins — reste assez méconnu. Aujourd’hui, une vaste étude chinoise éclaire le débat. Elle confirme que l’exposition précoce, durant la vie fœtale et la première année de vie, aux PM 1 à 10 majore le risque d’asthme et sifflement infantiles chez les 3 à 7 ans. Elle montre surtout pour la première fois que les PM1 sont au cœur de ce surrisque (1).

Cette étude observationnelle croisée est fondée sur des questionnaires remplis en 2019 et en 2020 par les personnes en charge d’enfants âgés de 3 à 7 ans, résidant dans sept grandes villes (Wuhan, Changsa, Nanjing, Shangai, Chongqing et Urumqi). Elle s’inscrit dans la seconde phase de l’étude « China, children, homes, health study ».

Des petits citadins de 5 ans issus de famille éduquées

Au total, l’analyse porte sur 29 418 enfants — dont 52 % de garçons — de 5 ans d’âge moyen (4,9 +/- 0,9 ans). Plus de la moitié (63 %) ont été allaités plus de six mois. Par ailleurs, 2,7 % ont un ou des parents ayant un antécédent atopique. Enfin ces enfants viennent d’un milieu social relativement élevé, puisque deux tiers des mères ont au moins un niveau d’éducation universitaire.

Les données d’exposition au tabagisme d’une large majorité d’entre eux (25 422 enfants) mettent en évidence que : 2,3 % des mères fumaient lors de la grossesse et près de 30 % des enfants ont été exposés précocement au tabagisme passif.

Parmi tous ces enfants, 8,6 % sifflent ou ont sifflé et près de 4 % sont asthmatiques.

Pollution pendant la grossesse et la première année de vie

Les taux en PM1 (China atmosphere watch network) en PM2,5 et PM10 (china national urban air quality) observés entre janvier 2013 et décembre 2018 dans ces sept villes ont été collectés. L’analyse utilise les taux mensuels estimés à l’adresse renseignée (résolution spatiale précise d’un kilomètre) durant la grossesse et la première année de vie. Ces expositions « précoces » ont été croisées dans quatre modèles avec la survenue de sifflements et/ou d’asthme chez ces enfants.

Un risque global qui ne sort pas sur les plus grosses particules

Dans tous les modèles, y compris celui incluant le plus de covariables, les expositions précoces aux PM[1-10] sont liées au risque de sifflements ou d’asthme. Mais quand on les prend une par une, seuls les PM1 sortent réellement. En effet, chaque augmentation de 10 μg/m3 en PM1 et en PM2,5 est associée respectivement à une augmentation de 55 % (RR = 1,55 [1,3-1,9]) et de 14 % (RR = 1,14 [1,03-1,26]) du risque d’asthme. Mais si on prend les particules intermédiaires, les PM[1-2,5], le surrisque ne ressort pas.

De la même manière, il y a une association significative entre exposition précoce aux PM10 et risque d’asthme (RR = 1,11 [1,02-1,2], par + 10 μg/m³) mais pas pour les PM[2,5-10].

Pour les sifflements c’est la même chose. On observe un surrisque pour les PM1 (RR = 1,2 [1,1-1,4] par +10 μg/m³) et les PM2,5 (RR = 1,1 [1,01-1,16]) mais pas pour les PM[1-2,5].

« Cette étude confirme que l’exposition précoce aux particules fines PM1, PM2,5 et PM10 majore le risque d’asthme et sifflements infantiles. Elle montre pour la première fois que les plus petites d’entre elles ont l’impact le plus important. Le fait que les particules de taille intermédiaire PM[1-2,5]- n’ont pas d’impact significatif suggère même que ces PM1 portent la majeure partie de ce surrisque », résument les auteurs.

Une étude menée à Shenzen avait déjà mis en évidence l’importance majeure de l’élévation des taux en PM1 — par rapport à celle des PM2,5 — sur les hospitalisations pour cause respiratoire. Et un autre travail portant sur 26 villes chinoises avait montré que le risque de visite aux urgences était bien plus corrélé aux élévations en PM1 qu’en PM2,5. Enfin, dans une autre publication portant sur la mortalité pulmonaire à court terme associée aux pics de pollution, à nouveau les PM1 portaient la majeure partie du surrisque associé aux pics en PM2,5. Mais comment l’expliquer ?

Plus petite taille et plus grande surface active

« Le mécanisme physiopathologique sous-tendant cet impact majeur des PM1 vient probablement du fait que, plus les particules sont fines, plus elles peuvent pénétrer profondément les poumons et, partant de là, favoriser inflammation, stress oxydatif et dommages pulmonaires. Ces PM1 présentent en outre, comparativement, une surface active plus importante, à même donc de porter plus de toxiques », expliquent les auteurs. Une étude vietnamienne récente suggère d’ailleurs que les dérivés d’aérosols et de particules primaires liés aux émissions automobiles sont essentiellement portés par les PM1, tandis que ceux issus de la remise en suspension des poussières routières et des cendres venant du brûlage de la biomasse sont plus portés par les PM[1-2,5]. « Ce qui pourrait parfaitement expliquer pourquoi ce sont surtout les PM1 qui majorent le risque d’asthme », concluent-ils.

(1) C Wu et al. Associations of early-life exposure to submicron particulate matter with childhood asthma and wheeze in China. JAMA Network Open 2022; 5(10): e2236003. doi:10.1001/jamanetworkopen.2022.36003

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr