Hypertension pulmonaire avec maladie interstitielle : une prostacycline-like prometteuse

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Publié le 16/03/2021

Le palmitate de tréprostinil inhalé améliore la capacité à l’exercice à 16 semaines.

Crédit photo : phanie

Cinq types de médicaments, fondés sur la physiopathologie de la maladie, sont aujourd’hui agréés dans le traitement symptomatique de l’hypertension artérielle pulmonaire (HTAP). Ce sont : les antagonistes des récepteurs à l’endothéline, les inhibiteurs de phosphodiestérase 5, les stimulants de la guanylate cyclase, les analogues de prostacycline et les agonistes de prostacycline. Parmi ceux-ci, la prostacycline et ses analogues constituent sûrement l’approche la plus efficace. Parce qu’ils luttent contre le mécanisme physiopathologique clé de la maladie. Au sein de ces médicaments, se trouve le tréprostinil, un analogue de prostacycline qui a montré son activité en termes de score symptomatique et de morbimortalité dans l’HTAP, par voie IV, SC, orale et en aérosol. Seul problème, le tréprostinil subit une élimination rapide imposant une perfusion continue ou des administrations réitérées qui, avec les effets secondaires associés, limitent son emploi. C’est pourquoi des recherches visant à améliorer sa durée d’action ont amené à développer une prodrogue : un ester de tréprostinil - le palmitate de tréprostinyl -, encapsulé dans des nanoparticules de lipides (NPL).

Ces jours-ci, une étude menée dans les hypertensions pulmonaires liées à une maladie pulmonaire interstitielle, dans lesquelles aucun traitement spécifique n’est agréé, suggère que cette prodrogue, utilisée en suspension pour nébulisation, exerce une activité symptomatique intéressante - amélioration de la capacité à l’exercice à 16 semaines - associée à un recul des dégradations cliniques (1).

Plus de 300 sujets soumis au traitement versus placebo durant 16 semaines

L’étude Increase, promue par le laboratoire United Therapeutics, est une étude multicentrique (93 centres) menée entre février 2017 et août 2020 sur des hypertensions pulmonaires de grade 3, associées à une maladie interstitielle pulmonaire chez des adultes. Il s’agit d’une étude randomisée en double aveugle versus placebo de 16 semaines de traitement.

L’hypertension artérielle de groupe 3 devait avoir été confirmée par cathétérisme droit dans l’année. Les résistances vasculaires pulmonaires devaient être supérieures à 3 Woods, la pression artérielle pulmonaire d’occlusion être à moins de 15 mmHg et la pression artérielle pulmonaire moyenne au-dessus de 25 mmHg.

Les sujets devaient faire initialement au moins 100 mètres au test de 6 minutes de marche. Enfin, en cas de traitement concomitant (type pirfénidone ou nintédanib), la posologie devait être stable depuis au moins 1 mois. Quant aux sujets sous traitement pour leur hypertension pulmonaire, ils étaient exclus (si traitement à moins de 60 jours)

Le critère primaire d’efficacité est l’évolution de la distance parcourue au test de marche de 6 minutes entre T0 et T16 semaines. Les critères secondaires sont essentiellement : l’évolution du taux de NT-proBNP et le délai avant détérioration clinique.

Amélioration symptomatique au test de marche sous palmitate de tréprostinil

Au total, 326 sujets ont été randomisés. La randomisation a été stratifiée en fonction du test de marche de 6 minutes (moins/plus de 350 mètres). Ce sont des personnes de 66 ans d’âge moyen, dont 47 % de femmes. Leur pathologie pulmonaire interstitielle est d’origine inconnue quasi une fois sur deux (idiopathique : 45 %)

À l’inclusion, le test de marche de 6 minutes moyen est de 260 mètres, les résistances pulmonaires vasculaires sont à 6 Woods et le taux de NT-proBNP à 1 833 pg/ml.

Dans le groupe traité, les patients prenaient en médiane 11 bouffées à partir de l’inhalateur (66 μg) à chacune des quatre sessions journalières en semaine 12, puis 12 bouffées (72μg) par session en semaine 16. Dans le groupe placebo, les patients prenaient pour leur part 12 bouffées en semaine 12 et X en semaine 16.

Au total, un quart des patients du groupe traité et 23 % de ceux du groupe placebo ont arrêté prématurément leur traitement, mais certains d’entre eux ont tout de même continué l’étude.

« L’analyse met en évidence que les différences entre les tests menés à T0 et T12 semaines sont favorables au groupe traité, avec un gain de 31 mètres par rapport au groupe placebo (p < 0,001) . Cet avantage est retrouvé dans tous les sous-groupes, quelles que soient la cause et la sévérité de la maladie. Parallèlement, on observe une réduction de 15 % du taux de NT-proBNP entre S0 et S16 dans le groupe traité, quand dans le même temps il augmente de 46 % dans le groupe placebo. Enfin, moins de patients se sont dégradés. On est à 23 % de dégradations sous traitement versus 33 % de dégradations sous placebo (p = 0,04) », résument les auteurs.

Les effets secondaires sous traitement sont dominés par la toux, les maux de tête, les dyspnées, la sécheresse buccale, les nausées, la fatigue et les diarrhées. Leur intensité est majoritairement moyenne à modérée. Les effets secondaires sérieux ne sont pas plus fréquents que dans le groupe placebo.

Au total, « une étude en demi-teinte mais qui laisse entrevoir un espoir dans ces HTAP liées à une pathologie interstitielle », souligne l’éditorialiste D. B. Taichman (2).

 

(1) A Waxman et al. Inhaled treprostinil in pulmonary hypertension due to interstitial lung disease. NEJM 2021 ; 384 : 325-34

(2) DB Taichman. Optimism for interstitial lung disease-associated pulmonary hypertension ? NEJM 2021 ; 384 : 376-77

 

Pascale Solère

Source : lequotidiendumedecin.fr