La première grande étude après 34 SA

La corticothérapie anténatale est bénéfique dans la prématurité tardive

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Publié le 08/02/2016
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

La corticothérapie anténatale serait-elle bénéfique quel que soit le niveau de prématurité ? C'est ce que suggère une étude américaine multicentrique menée chez plus de 2 800 femmes enceintes et publiée dans le « New England Journal of Medicine », qui pourrait bien faire réviser les pratiques actuelles.

Aujourd'hui, la corticothérapie anténatale fait partie intégrante depuis 1994 de la prise en charge de la grande prématurité pour la prévention des complications pulmonaires. Ce n'est pas le cas pour la « petite » prématurité, après 34 semaines d'aménorrhée (SA), faute de données convaincantes.

Pour le Dr Cynthia Gyamfi-Bannerman, gynécologue-obstétricienne de la faculté de Columbia et auteur principale : « Notre étude montre que l'administration d'un traitement utilisé en routine pour prévenir les complications chez les bébés nés avant 34 semaines d'aménorrhée (SA) peut également réduire le risque de complications chez ceux nés seulement quelques semaines avant terme. Cela va transformer la façon de prendre en charge les mères à risque d'accouchement prématuré tardif ».

Des enfants fragiles même après 34 SA

La corticothérapie anténatale a sa place dans la grande prématurité depuis la conférence de consensus de 1994 des Instituts Nationaux de la santé (NIH). En France, les recommandations du Collège National des Gynécologues-Obstétriciens Français (CNGOF) de 2002 répondent à la question quand arrêter les corticoïdes par

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« il n'y a pas de démonstration d'un effet bénéfique des corticoïdes au-delà de 34SA ». Pourtant, les « petits » prématurés présentent eux aussi davantage de complications néonatales et dans l'enfance que les enfants nés à terme.

Plus de 2 800 femmes ont été incluses à partir de 17 pôles mère-enfant de centres hospitaliers universitaires du réseau américain Eunice Kennedy Shriver National Institute of Child Health and Human Development. Le risque élevé de menace d'accouchement prématuré était défini soit par un travail prématuré à membranes intactes et au moins 3 cm de dilatation ou 75 % d'effacement du col, soit par une rupture spontanée des membranes. Par ailleurs, était éligible toute situation nécessitant une induction ou une césarienne dans les 24 heures à 7 jours après la randomisation. Deux injections de bétaméthasone (12 mg) ou de placebo étaient administrées en IM à 24 heures d'intervalle.

Moins d'événements respiratoires

Le critère de jugement choisi était composite et construit à partir du traitement donné pour difficultés respiratoires dans les 72 premières heures de vie, dont la CPAP, l'oxygénothérapie, l'oxygénation par membrane extra-corporelle (ECMO) ou la ventilation mécanique. Étaient aussi retenus comme critères la mort fœtale in utero ou le décès dans les 72 premières heures de vie.

L'étude américaine du Dr Gymafi-Bannerman révèle une balance bénéfice/risque favorable. Il y a eu significativement moins de traitement de troubles respiratoires dans le groupe bétaméthasone (n = 165/1 427 ; 11,6 %) que dans le groupe placebo (n = 202/1 400 ; 14,4 %). L'administration de bétaméthasone s'accompagnait de façon significative de moins de complications respiratoires graves, de tachypnée transitoire, d'administration de surfactant et de dysplasie bronchopulmonaire. Dans le même temps, l'incidence des chorioamniotites et des sepsis néonataux étaient comparables dans les deux groupes.

Un risque d'hypoglycémie à surveiller

Les hypoglycémies néonatales étaient en revanche plus fréquentes dans le groupe bétaméthasone, 24 % contre 14,9 %. Ce qui suggère une surveillance glycémique dans cette situation. Cependant, il est à noter qu'aucun effet secondaire associé à l'hypoglycémie n'a été rapporté et il n'y a pas eu d'allongement de la durée d'hospitalisation. Il est même curieux de constater que les enfants ayant eu une hypoglycémie sont rentrés à domicile en moyenne 2 jours plus tôt.

Les auteurs soulignent que leurs résultats vont dans le même sens que l'étude randomisée ASTECS sur les effets de la corticothérapie anténatale en cas de césarienne chez des enfants à terme. Comme le taux d'admission en réanimation pour détresse respiratoire était significativement réduit, la corticothérapie anténatale est devenue un traitement standard des césariennes à terme au Royaume-Uni. De plus, comme les auteurs le suggèrent, en conclusion : « Il est possible que la réduction du taux de dysplasie bronchopulmonaire avec le traitement par bétaméthasone ait des bénéfices à long terme comme sur la pathologie pulmonaire chronique ».

Dr Irène Drogou

Source : Le Quotidien du médecin: 9469